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XXXVIII
J’avais, plus l’été que l’hiver, des chiens errants sur ma trace, lesquels se montraient généralement fort amitieux.
Egrenés de polenta, des automnes, avec douceur, fanaient les gloriettes rousses.
Un peu de la neige des cols, seulement blanche de sa couleur, faisait croire, promptement dissipé, au péril qu’il y aurait à les franchir.
Les chiens disparus à la suite des troupeaux, à mon tour j’emboîtais le pas, l’été, à cette générale transhumance.
Cette vie-là, qui n’allait pas sans conscience, valait plus que l’existence. De cette vie-là, que me restera-t-il ?
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V***
Où l’oeil embrasse l’horizon de leurs toits luisants d’écailles, inclinées de l’aile comme des ponts de Chagall, les villes au loin tendent leurs gestes de guingois.
Que peut donc signifier cette Europe en ses villes, sinon dépasser ensemble les bornes irrégulières d’un chapelet, restituées comme la signature de la terre par la main du voyageur qui s’est commis, et proposer enfin au regard une grappe qu’un coup d’oeil, comme le berger ses bêtes, n’a guère besoin de diviser pour la compter ?
De part et d’autre de ces villes, comme de mobiles routes pressées, les fleuves hâtifs qui les bordent coulent à demi-mot vers leurs destinations, allant leur bon vouloir au fil serré des conversations essentielles.
Pourtant, l’ordre apparent n’est que commentaires et surprises. Sauf à attribuer des écarts d’oreille aux auditeurs, fruit des habituelles nuisances sonores du grand nombre, les fleuves, avant de se reprendre, aiment, d’étonnement, à balbutier. Ils coulent cependant, n’en doutons pas. Ils coulent comme le temps, à qui rien jamais n’a compté, trompés sur leur simplicité fluide.
(…)
Extraits de : Archer dans le courant des cibles.
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Poème atone
De nuit, tu rentres
A voix blanche.
C’est toi,
A qui nous mesurons
Ton pas de loup,
ton air
de danse.
Ton silence
Est sans offense.
Ses couches atteignent l’épaisseur
Où dort la neige sur notre toit.
*
Mellifère
Lames courtes des ailes
Qui couchent aux rayons des ruchers,
L’été clignote dans les sablières.
En s’alitant l’y ont plombé
Les mers lentement écoulées.
Visitée de l’esprit du lieu,
L’abeille mère y légifère.
L’enfant dort en visiteur
Des espaliers de la cuisine.
L’abeille lui est sereine.
Les mers lui sont tourment.
Extraits de : Elégies d’Ellezelles.