BRONNE Carlo

Biographie

Né en 1901 à Liège. Après ses humanités classiques à l'Athénée de Liège, Carlo Bronne part avec ses parents à Paris, passe le baccalauréat au Lycée Carnot (1919) puis obtient le titre de docteur en droit à l'ULg (1925). Avocat, il fait son stage à Paris avant de s'inscrire au Barreau de Liège (1926). Juge au Tribunal de Première Instance de Liège, de Verviers puis à nouveau de Liège (1930, 1931, 1933), président du Conseil de guerre de Namur (1944), conseiller à la Cour d'Appel de Liège puis président de la cour militaire de Belgique (1946), président de la Cour d'Appel de Liège (1960), il est avant tout connu comme écrivain. Chroniqueur judiciaire au Journal de Liège et collaborateur dans de nombreux journaux et revues d'Europe : Le Figaro, Le Mercure de France, L'Express, Le Soir, La Revue des deux mondes, Les Nouvelles littéraires, Le Journal de Genève, Carlo Bronne se sent davantage dans son élément comme écrivain que comme magistrat. La longue convalescence d'une grave maladie lui donne l'occasion d'écrire; il commence par des poèmes inspirés du pays de Liège, qui sont très vite remarqués puisque le prix Verhaeren lui est décerné en 1930. Mais il abandonne la rime pour l'histoire et la chronique. Léopold Ier et son temps est sa première grande synthèse (1942). Elle connaîtra plusieurs rééditions. Fouillant les archives de la petite Histoire, truffant ses récits d'anecdotes, Carlo Bronne poursuit et développe le genre : La galerie des Ancêtres, Albert Ier roi sans terre, L'amalgame. Une quarantaine d'ouvrages réveillent tout un romantisme entièrement nourri d'événements belges et donnent un éclairage original aux XVIIIème et XIXème siècles. Membre de l'Académie royale de Langue et de Littérature françaises (1948) dont il devient directeur (1962), membre correspondant de l'Institut de France, cofondateur de la Société belge d'Etudes napoléoniennes (1950), membre du Conseil littéraire de Monaco (1959), Carlo Bronne se voit décerner de nombreuses récompenses, dont le Prix quinquennal de l'Essai (1951). Dans ce genre - l'essai - , Esquisses au crayon tendre (1942), Rilke, Gide et Verhaeren (1955) et Le promenoir des amis (1967) sont certainement les mieux réussis : l'auteur y demeure fidèle à son côté de mémorialiste anecdotique. En 1975, le Prix quinquennal de Littérature lui est attribué pour l'ensemble de son oeuvre. Carlo Bronne est mort le 25 juillet 1987. Pour une biographie plus complète, on se reportera à la notice qui lui est consacrée dans l’Encyclopédie du Mouvement wallon, sous la direction scientifique de Paul Delforge, Philippe Destatte et Micheline Libon, Charleroi, 2000, tome 1, p. 202-203.

Bibliographie

  • Léopold Ier et son temps, 1942 (couronné par l'Académie française).
  • Esquisses au crayon tendre, 1942.
  • L'amalgame, 1948.
  • Albert Ier, le roi sans terre, 1965.
  • Bleu d'Ardenne, 1969.
  • Compère, qu'as-tu vu?, 1975.
  • Elisabeth de Belgique, 1976.
  • Beloeil et la Maison de Ligne, 1979.
  • Petite chronique de Villance, 1984.
  • Hotel de l'aigle noire, Edition du mont des arts

Textes

PETITE CHRONIQUE DE VILLANCE (extrait)

La maison trapue aux dix fenêtre ourlées de blanc se voit de loin quand on débouche du plateau de Jehonville. Elle domine quatre villages dissimulés dans la forêt que sépare une vaste valée de prairies, de champs et de boqueteaux de toutes nuances de vert. Quel architectes paysagiste aurait pu disposer avec autant de douce rigueur ce carré de mélèzes tremblants, ces légères ondulations des contours où joue la lumière, ce gué rafraîchissant?
Au temps où Villance était terre seigneuriales, le lieu s'apelait La Justice parce qu'on y pendait les manants. Seule une "taque" de foyer en prolonge le souvenir. Depuis quinze ans je règne en despote sur cet empire. Le facteur ne franchi la frontière qu'un vertu du traité qui me fait aussi admettre la stridence de la tronçonneuse et le ronronnement de la scierie parce qu'ils apportent la rumeur de l'Ardenne.
Au début, l'arrogance d'une moto ou l'impudence d'un curieux me faisait souffrir mille morts.  Mes amis s'émerveillaient du calme environnant; je me souvenais que le bonheur qu'on a paraît toujours aux autres plus grans qu'il ne l'est en réalité.  Plus tard, j'ai redouté les garages, les campings, le déboisement, empoisonnant ainsi mon plaisir d'inutiles inquiétudes. "La jalousie, a dit P.J. Poulet, est une preuve de coeur comme la goutte, la jambes".
Six heures du matin. Au bout du jardin, deux crimes de sapins sortent du brouillard laiteux; un disque rouge les surmonte et colore l'atmosphère vaporeuse. Villance in Japan.
Malices du langage; rien n'est moins proche que le prochain ni plus autre qu'autrui.
Le faucon crécerelle vient souvent se percher sur le bouleau devant la cuisine. Il voudrait bien être apprivoisé.
(...)