BODART Roger

Biographie

 

10 mars 1910 : Naissance de Roger Bodart, dans le village de Falmignoul, proche de la frontière française, dans les Ardennes. Son père est instituteur du village.1928-1933 : Roger Bodart poursuit ses études de droit à l'Université libre de Bruxelles. Il y rencontre sa future épouse, Marie-Thérèse Guillaume. Inscription à l'Ordre des Avocats du Barreau de Bruxelles. Prix de la conférence du Jeune Barreau. Rencontre avec Charles Plisnier. Début d'une longue amitié. 1940 : Roger Bodart est journaliste à l'I.N.R. (actuellement R.T.B.F.). 1946 : Roger Bodart devient conseiller littéraire au Ministère de l'Éducation Nationale et de la Culture. 1948 : Crée avec Sarah Huysmans, fille du Ministre Camille Huysmans, les Midis de la Poésie. Succès immédiat. 1950 : Voyage de plusieurs mois en Afrique, qui marque profondément la vie et l'œuvre du poète. 1952 : Élection à l'Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique. Roger Bodart y est reçu par Charles Plisnier, le même jour que Georges Simenon. 1973 : Roger Bodart meurt à Bruxelles, le 2 juin.

Bibliographie

Poésie :  

  • Les mains tendues, Georges Houyoux, Bruxelles, 1936.
  • Office des ténèbres, Maison du Poète, Bruxelles, 1937. 
  • La tapisserie de Pénélope, Georges Houyoux, Bruxelles, 1946.
  • Le chevalier à la charrette, Georges Houyoux, Bruxelles, 1953.
  • Le nègre de Chicago, Pierre Seghers, Paris, 1958.
  • La route du sel, Pierre Seghers, Paris, 1965. Rééd. La Différence, 2012. (Orphée)
  • Le tour, Pierre Seghers, Paris, 1968.
  • La longue marche, (posthume), André De Rache, Bruxelles, 1975.
  • Le signe de Jonas, (posthume), André De Rache, Bruxelles, 1977.
  • Lettres de Belgique, Esseo Bruxelles- Ontwikkeling Anvers, 1958.

  Essais :  

  • Charles Du Bos, La Sizaine, 1946.
  • Montherlant ou l'armure vide, La Sizaine, 1946.
  • Dialogues européens, Georges Houyoux, 1950.
  • Dialogues africains, Georges Houyoux, 1952.
  • Expédition Elata, de l'Orénoque au Rio Negro, J. Vromant, 1956
  • Maeterlinck ou l'absurde dépassé, De Meyère, Bruxelles, 1960.
  • Le songe d'Amédée Ponceau, Editions universitaires, 1962.
  • Maurice Maeterlinck, Pierre Seghers, Coll. Poètes d'aujourd'hui, Paris, 1962.
  • Marcel Thiry, ibidem, 1964.
  • Les poètes du Bois de la Cambre, Éditions universitaires, 1965.
  • L'impromptu du Pont d'Oye, en collaboration avec Marie-Thérèse Bodart, La Dryade, Virton, 1966.
  • Verhaeren, hier et aujourd'hui, Pierre Seghers, coll. Poètes d'aujourd'hui, Paris, 1966. 

  À consulter :  

  • Roger Bodart, par André GUIMBRETIERE, Pierre SEGHERS, coll. Poètes d'aujourd'hui, 1966.
  • Revue Marginales, deux numéros d'hommage (1953 et 1974).
  • Psychogenèse d'un poème, par Gilberte AIGRISSE et Pierre SEGHERS, Ed. André De Rache, Bruxelles, 1973.
  • Cahiers Bleus, numéro spécial : Roger Bodart  : approches, Dominique Daguet, 1985.
  • Roger Bodart, par Jean Tordeur, in Galerie des Portraits, T. V, Palais des Académies, 1990.
  • La route du sel et autres poèmes, choix de textes et préface d'Anne Richter, Paris, La Différence, coll. Orphée, 1992.

Textes

La blanche et la noire

L'heure où dormir ouvre la porte Je la suis
les yeux fermés Je ne sais pas où elle mène
Elle n'est pas la seule à mes côtés La suit
une autre heure qui n'est pas tout à fait la même
autre heure qu'à son tour une autre heure poursuit
Toutes se tiennent par la main Elles s'entr'aiment

Les heures où dormir sont à gauche Je sens
à ma droite le long autrefois qui descend
en spirale au-delà du centre de la terre
Heure après heure les diurnes solitaires
et se tenant aussi par la main cependant
forment la face blanche du mystère

Commentaires

"La poésie de Roger Bodart est nourrie de toute la recherche philosophique contemporaine, et c'est cette volonté de tout connaître, de tout comprendre, c'est ce perpétuel tourment qui demande ce chant d'équilibre et ce langage de sérénité par lequel le poète maîtrise sa trop vive sensibilité".

Quatrième de couverture de Le Tour par René Lacote.


Inséré au contraire dans ce temps de l'être qui sera son obsession, Roger Bodart (1910-1973) entreprend dans La route du sel, la longue marche vers la définition de soi et la quête du sens d'un destin dont on ne sait qu'une chose: qu'il est progression vers un horizon qui toujours recule et qui, paradoxalement, trace une limite sans lieu ni date.  Cette recherche du sens, le poète en souligne l'urgence lorsqu'il fait ce constat: une absence d'être, voilà ce que lui semblait être son existence.  Mais si, comme il le clame lui-même, le néant crie qu'il ne peut y avoir de néant, le suicide est exclu comme l'attente à la mort.  Dans l'entre deux l'existence renouvelée est le seul choix et celle-ci s'impose à la façon de l'épreuve avec tout ce que ce mot soulève d'ambiguïté: tâche imposée qui se confond avec la survie même, d'une part, excercice de soi prometteur d'une sur-vie qui débouche sur l'imprévisible liberté, d'autre part.  L'épreuve existentielle qui se révèle à la lecture du long poème qu'est La route du sel fait surgir des images qui évoquent, selon le cas, le grand tremblement de terre de Kierkegaard, le questionnement heideggerien ou l'aventureuse désinvolture d'un Cendrars. Mais au-delà, ou plutôt en deçà des terreurs et des actes du présent, le poète s'engage, presque malgré lui, dans la scrutation, à travers le fantasme de son origine, de l'origine même de toute origine possible. 
Le poème métaphysique provoque de la sorte par sa seule intérrogation, l'émergence d'un poème cosmique, sorte d'élargissement de la quête de soi à la quête de l'univers - sorte de cosmogonie dans laquelle l'épreuve subjective est vécu comme la contre-épreuve du jaillissement de l'être à partir de l'indéfinissable rien.

Bruxelles Poésie, éd. L'Arbre à paroles, 2000.