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1. Poésie.
2. Théâtre.
3. Romans.
4. Nouvelles, contes, récits.
5. Essais
Très jeune, ayant quitté les songes de mon âme,
je fis le voeu d'aimer ce que je n'aurais pas.
J'eus tout: rêves, chansons, désirs, amours, visages...
Tout le bonheur des jours est couché sous mes pas.
Et maintenant, désert, comme l'aveugle traîne
un regard étonné de ne trouver que soi,
je me découvre seul pour le songe et la haine,
O peuple de mon sang, chiens avides d'un roi!
***
Et dans la chair le mal diffus
se rend au rêve qui le presse.
Il s'use, se mue en ivresse,
et ne refuse au corps confus
le noir pardon d'une caresse.
Alors renaît de mon tourment
l'amour que je tuai naguère.
Et je vois, glissant sur la terre
au bord de l'azur et du sang
s'avancer son ombre légère.
***
Que nul ne prie!
Mourez, gazelle!
La belle vie
fait la mort belle.
Rêves, combats,
amour, enfance:
tout ici-bas
se passe en danses...
Et quand le coeur
s'en va d'ici,
notre douleur
se passe aussi.
Notre douleur?
Un poids d'abeilles,
la mer qui meurt
dans notre oreille...
***
L'âme pleine de dons, les mains pleines de sorts,
pendant un jour, tout un long jour de cinq années,
rêvant, glacé, j'ai parcouru ma destinée
comme un monde éclairé par le soleil des morts.
Je vivais. Je régnais sur le coeur d'une femme.
J'étais l'astre et le dieu, moi, ce pécheur obscur.
Le prince, moi, ce pauvre. Et je comblais une âme.
Je triomphais. Je possédais ce mince azur.
Et je la retenais captive d'un poème.
Je traçais de l'amour les signes enchantés,
la berçant d'un bonheur que j'ignorais moi-même:
rêve sitôt trahi qu'il était inventé.
Je la nommais jardin dormant, prison du songe...
Mon coeur était un roi désert dans son palais.
Je soumettais son corps. J'appelais le mensonge
au secours de la chair heureuse qui râlait.
***
Moi qui m' en vais pareil aux autres,
le mal de vivre dans mon sang,
ni plus fidèle, ni moins pauvre,
ni plus heureux, ni plus puissant,
pourquoi Dieu a-t-il fait vivant
ce coeur pourtant pareil aux autres:
abîme pour l'maour où l'amour ne descend?
Du bonheur que l'homme respire,
le rêve seul me fut permis:
l'Epoux regarde dans la nuit
l'Epouse en son sommeil sourire.
Il songe. Il entend près de lui
ce tendre souffle qui expire,
et reconnaît son rêve en ce rêve endormi.
***
Fuyez, fuyez de moi,
fantômes que j'élève!
Celui qui meurt d'un rêve
ne rêve qu'une fois.
Et toujours l'homme pleure
cet ange qu'il rêva
Il ne passe qu'une heure,
fait un signe et s'en va.
Ces textes sont extraits de Chant Noir
Le Voyage d'Hiver
L'auteur, Charles Bertin, belge, a intitulé son récit "Romance". La romance d'un amour brutalement interrompu par la mort dont l'histoire est contée avec une douce mélancolie, alternant souvenirs et moments présents. La musique de Schubert lui convient à merveille avec des moments de forte émotion, comme le récit de la mort du père d'Aline, les moments de bonheur intense dans les jeunes vies d'Aline et Sabin qui se construisent un avenir plein de promesses au sommet d'une colline du Roussillon, auprès d'une chapelle romane, un trésor que Sabin désire remettre en valeur.
Et la solitude qui reprend possession du lieu et de Sabin, les deux semblant avoir perdu leur âme .......
Une langue superbe :
" Cette année-là, le printemps vint comme une fête. Il commença au ras du sol par une petite brise tiède qui se mit à flairer les buissons et à courir en boule à travers la garrigue. Puis, un matin, la mer apparut pareille à une coupe de vin bleu entre les mamelons des collines. Les pentes des prairies se couvrirent de jonquilles et d'orchis. Il y avait dans l'air une pointe tendre qui sentait la vanille chaude. ... / ... "
Lucie Petit