BARONIAN Jean-Baptiste

Biographie

Jean-Baptiste Baronian, né à Anvers d’une famille récemment venue d’Arménie, devient bruxellois dès l’âge de deux ans. En 1944, en effet, ses parents estiment la ville moins exposée aux bombardements nazis. Cette installation à Bruxelles va le marquer définitivement, parce que la ville est le théâtre principal de son univers romanesque. Univers lui-même déterminé par ses lectures de prime jeunesse : Conan Doyle, Leblanc, Leroux, Stevenson et Welles y occupent d’emblée une place primordiale. Des études de droit poursuivies à Louvain sous la contrainte familiale vont se mener d’autant plus aisément qu’il ne compte pas les mettre en pratique. Il veut consacrer sa vie à sa passion : le livre.

Et le voilà, dès vingt-six ans, éditeur chez Marabout, la plus brillante aventure éditoriale belge de l’après-guerre, où il anime une collection fantastique qui fera date : exhumation de Jean Ray, réédition de Thomas Owen à qui il succèdera à l’Académie trente-cinq ans plus tard, grandes anthologies. Il s’impose comme un autorité dans le genre, des essais comme le Panorama de la littérature fantastique de langue française ou Le nouveau fantastique vont l’attester. Une autre prédilection va beaucoup le mobiliser, puisqu’il fondera en 1987 «Les Amis de Georges Simenon», auteur à qui il va consacrer nombre d’ouvrages et d’activités : n’est-il pas, notamment, l’éditeur de la collection des DVD mise en diffusion à l’occasion du centenaire du créateur de Maigret, et reprenant les enquêtes où le commissaire était interprété à l’écran par Jean Richard? Son intérêt pour le genre policier en général se traduit par une rubrique qu’à l’invitation de Jean-Jacques Brochier il anime dans Le Magazine littéraire depuis 1971 sous le nom d’Alexandre Lous.

Son œuvre de prosateur débute la même année par un bref roman, L’un l’autre, sur le thème du dédoublement (ne vient-il pas de se dédoubler lui-même en prenant un pseudonyme?), qui prélude à quelques livres que le défi formel apparente au Nouveau Roman, tout en l’abordant avec ironie. C’est avec Scène de le ville obscure que, pour la première fois, il aborde Bruxelles sous l’angle du romanesque.

Dès 1980, cette hantise de la ville se vérifie avec Place du jeu de balle. Le choix de ce lieu-là n’est pas fortuit : la place en question est un haut-lieu de la bibliophilie, une autre passion qui devient un thème récurrent, et se retrouve dans le roman Lord John, dans les récits de La Bibliothèque de feu. «La recherche du livre est chez une quête de l’arche perdue», lui dira Jacques De Decker en l’accueillant à l’Académie.

C’est le moment où des romans se mettent à paraître sous le nom de Lous : Matricide, La Nuit du pigeon, Meurtre sans mémoire, Tableaux noirs, Jugement dernier ou Rase campagne alterneront avec Les Quatre Coins du monde, Lord John, Anaïs, La Nuit, aller-retour ou Le Vent du nord. La répartition des patronymes devient à un moment donné si aléatoire qu’elle s’abolit : La Nuit du pigeon ne reparaît-elle pas en 2006 sous le nom de Baronian? Dans l’intervalle, il a donné quelques-uns de ses livres les plus forts : «L’Apocalypse blanche, dit Jacques De Decker, apparaîtra un jour comme l’un des témoignages les plus sensibles sur le climat intellectuel et spirituel au tournant du siècle, et la déstabilisation d’une société.»

  Source: Arllfb www.arllfb.be

Bibliographie

  • L’un l’autre, roman, Forcalquier, Éditions Morel, 1972.
  • Écritures pour saluer Jo Delahaut, bibliophilie, Bruxelles, Éditions Delta, 1972.
  • La France fantastique, anthologie, Verviers, Éditions Marabout, 1973.
  • Récits de science-fiction (textes de J.-H. Rosny Aîné), anthologie, Éditions Marabout, Verviers, 1973.
  • Autour de France, roman, Paris, Éditions Laffont, 1974.
  • Scènes de la ville obscure, roman, Paris, Éditions Laffont, 1974.
  • La Belgique fantastique, anthologie, Verviers, Éditions Marabout, 1975, (rééd. Bruxelles, Éditions Jacques Antoine, 1984).
  • Un nouveau fantastique, essai, Lausanne, Éditions L’Âge d’Homme, 1977.
  • Le Grand Chalababa, contes, Paris, Éditions Opta, 1977.
  • Panorama de la littérature fantastique de langue française, essai, Paris, Éditions Stock, 1978 (nouv. éd. Tournai, Éditions La Renaissance du Livre, 2000).
  • Histoires terribles de revenants, anthologie, Paris, Éditions Librairie des Champs Elysées, 1979.
  • Le Diable Vauvert, roman, Paris, Éditions Laffont, 1979.
  • Place du Jeu de Balle, roman, Paris, Éditions Laffont, 1980 (rééd. Bruxelles, Labor, 1994).
  • Matricide, sous le pseudonyme d’Alexandre Lous, roman, Paris, Éditions Clancier-Guénaud, 1981 (rééd. Paris, 10-18, 1990; rééd. Bruxelles, Labor, 1996).
  • Histoires terribles d’animaux, anthologie, Paris, Éditions Librairie des Champs Elysées, 1981
  • Jean Ray, l’archange fantastique, essai, Paris, Éditions Librairie des Champs-Elysées, 1981
  • La Belle Volière, bibliophilie, Bruxelles, Éditions Émile Van Balberghe, 1982, linographie en couleurs de Roland Topor.
  • Sept simulacres, contes, Bruxelles, Éditions Émile Van Balberghe, 1982
  • La Nuit du pigeon, sous le pseudonyme d’Alexandre Lous, roman, Paris, Éditions Fleuve Noir, 1982.
  • Les Quatre Coins du monde, roman, Paris, Éditions Laffont, 1982.
  • Faux titre, bibliophilie, Bruxelles, Éditions Émile Van Balberghe, 1982
  • Meurtres sans mémoire, roman, sous le pseudonyme d’Alexandre Lous, Paris, Éditions Denoël, 1983.
  • La Bibliothèque de feu, contes, Bruxelles, Éditions La Pierre d’Alun, 1984.
  • Tableaux noirs, sous le pseudonyme d’Alexandre Lous, roman, Paris, Éditions Clancier-Guénaud, 1984.
  • Romans préhistoriques (textes de J.-H. Rosny Aîné), anthologie, Paris, Éditions Robert Laffont, 1985.
  • Lord John, roman, Paris, Éditions Hermé, 1986 (rééd. Bruxelles, Labor, 1996).
  • Contes fantastiques (textes de Théophile Gautier), anthologie, Paris, Éditions Néo, 1986.
  • Jugement dernier, sous le pseudonyme d’Alexandre Lous, roman, Paris, Éditions Denoël, 1988.
  • La Vie continue, roman, Paris, Éditions Bourgois, 1989.
  • Trains rouges, anthologie, Paris, Éditions Julliard, 1989.
  • Potions rouges, anthologie, Paris, Éditions Julliard, 1990.
  • La Nuit, aller-retour, roman, Paris, Éditions Bourgois, 1991.
  • Enfants rouges, anthologie, Paris, Éditions Julliard, 1991.
  • Livres rouges, anthologie, Paris, Éditions Julliard, 1992.
  • En voilà des histoires (textes de Frédéric Dard), anthologie, Paris, Éditions Fleuve Noir, 1992.
  • La Légende du vin, essai, Cognac, Éditions Le Temps qu’il fait, 1995.
  • Le Tueur fou, roman, Paris, Éditions Rivages, 1995.
  • Le Vent du Nord, roman, Paris, Éditions Métailié, 1996.
  • Rase campagne, sous le pseudonyme d’Alexandre Lous, roman, Paris, Éditions Métailié, 1996.
  • L’Été est une saison morte, roman, Paris, Éditions Métailié, 1998.
  • Disques fantômes, contes, Éditions Bernard Gilson, Bruxelles, 1998.
  • Le démon de février. Contes de la mer du nord [vol. 1] (textes de Gérard Prévot), Paris, Éditions Fleuve Noir, coll. «Bibliothèque du fantastique», 1998.
  • Parmi tant d’autres crimes, contes, Paris, Éditions Les Belles Lettres, 1999.
  • D’après Bruxelles, album, Bruxelles, Éditions Bernard Gilson, 1999, photographies de Jean-Pol Stercq.
  • L’Invitée de Lorelei. Contes de la mer du nord [vol. 2] (textes de Gérard Prévot), anthologie, Paris, Éditions Fleuve Noir, coll. «Bibliothèque du fantastique», 1999.
  • Fantômes dans la ville, bibliophilie, Beigem, Éditions Le Veilleur de nuit, 2000.
  • L’Apocalypse blanche, roman, Paris, Éditions Métailié, 2000.
  • Noir scénar, anthologie, Paris, Éditions Les Belles Lettres, 2002.
  • Simenon ou le roman gris, essai, Paris, Éditions Textuel, 2002.
  • Simenon, l’homme à romans, essai, Paris, Éditions Textuel, 2002.
  • Miroirs obscurs, contes, Bruxelles, Éditions Labor, 2003.
  • Maison hantée, bibliophilie, Bruxelles, Éditions Quadri, 2003.
  • Histoires fantômes, contes, Tournai, Éditions La Renaissance du Livre, 2003.
  • Les Papillons noirs, roman, Paris, Éditions La Table Ronde, 2004.
  • Une bibliothèque excentrique, essai, Cognac, Éditions Le Temps qu’il fait, 2004.
  • Quatuor X, roman, Paris, Éditions Métailié, 2006.
  • La Bibliophilie : une sanction, essai, Lausanne, Éditions L’Âge d’Homme, 2006.
  • Neuf petits crimes très ordinaires, contes, Bruxelles, Éditions Le Grand Miroir, 2006.
  • Baudelaire, biographie, Paris, Folio, 2006.
  • Panorama de la littérature fantastique de langue française : des origines à demain, Paris, Table ronde, 2007.
  • Verlaine, biographie, Paris, Gallimard, Folio, 2008.
  • Rimbaud, Gallimard, Folio Biographies, 2009. Prix littéraire du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles 2011.
  • Les miroirs de Rosalie, L’Âge d’Homme/Éditions de Fallois, 2011.
  • Meurtre à Waterloo, Luc Pire/La Gare, 2011. (Kill and read).

Textes

Ivresse

J’ai mordu l’univers de mes dents enivrées
Et dans ma bouche reste une odeur de printemps
Et sur ma langue ingrate amoureux de vins blancs
Perdurent les parfums des splendeurs ignorées

J’ai étreint le soleil des mes mains encrassées
Et brûlent sur mes doigts des éclats rutilants
Et ma peau misérable embrasée de sangs
Exhale des senteurs exquisement parées

J’ai fait surgir en moi l’écho de mes amours
Et mon coeur a bondi vers des cîmes nouvelles
Pour tâter aussitôt la soie et le velours

J’ai quitté l’univers vers ces mers éternelles
Emportant avec moi des souvenirs brouillés
Et surtout le nectar des rêves étranglés

extrait de La chair et le sang