sa BAES Ysabel - Maison de la poésie et de la langue française de Namur

BAES Ysabel

Œuvres disponibles

Biographie

Peintre, peintre à la gouache, poétesse. Première exposition à la Galerie «Portenart» à Bruxelles en 1963.

Bibliographie

  • Ô ma jeunesse Ô ma folie, La maison du poète, 1959.

Textes

L'illusion

Souple et limpide le soleil éclatant
Rampe sur les montagnes, décidé et lent.

Comme un miroir qui cache une fleur
Comme un astre sans tige mais plein de douceur,

Je me vois dans le vent
Les yeux gais, pétillants.

Je me vois dans le soleil
Dans cette chaleur de miel,

Je me vois dans les cieux
Qui regardent mes yeux,

Je me vois dans l'illusion
D'un mirage ou d'une chanson.

Je me trouve dans les sillons
De ces flammes blanches,
Et me vois en tentation
D'une grande avalanche.

Je me vois étant jeune et beau
Jouant dans les prés
Arrachant les rameaux
D'un nuage déchiré.

Je courais dans les dunes
De mon illusion

Je courais dans la lune
Morne et sans rayons.

Rampant sur une pierre
Qui gît sur la terre
Accrochant les aubépines
Grimpant sur les collines,
Surpris d'être dans le monde
Et non sur une planète,
Je surgissais de l'onde
Qui me faisait fête.

Ah ! Je me vois étant jeune, et gai
Dans l'illusion triste des blés,
Les yeux limpides remplis de choses
Qui donnaient leur dernier éclat à la rose.

Je me vois étant jeune, plein de pouvoir
Plein d'illusion de mon grand savoir,
Plein de tristesse
Plein de gaieté
Plein de caresses
plein d'amitié.

Je cherchais au loin
Evitant les écueils,
Je cherchais avec soin
Le rêve d'une feuille,
Mon âme était déçue
Et jamais plus émue.

Nulle part je ne trouvai
Ma destinée.

Ah ! je me vois encore toujours
A l'ombre d'un arbre noir,
Dans un mirage court
Dans l'illusion de soir

Mon visage dans le pénombre
N'avait aucun reflet
Au contraire c'était l'ombre
D'un corps défait.

Dans les fleurs qui embaumaient
A jamais je passais

Tout semblait s'éclaircir
Sous un pinceau magique
Qui ne laissait rien mourir
Mais rendait tout féérique.

Les fleurs se levaient de leurs coquilles ombrageuses
Les bras des arbres de cramponnaient aux miens,
Les feuilles devenaient les danseuses
De ce monde éteint.

Ah ! je me rappelle les jours de ma jeunesse
Ah ! je me rappelle les jours de ces caresses.

Maintenant je suis une statue
Rouillée par le devoir
Avec les illusions perdues
Du grand pouvoir
De ma jeunesse
Pleine de tendresse.

Je ne cherche plus rien dans ce monde de terreur
Maintenant que je suis vieux, je laisse couler mes pleurs;
J'attends le moment ou se fermeront mes paupières
J'attends le moment ou elles se refermeront sur la terre,

Ah ! je me vois encore toujours
Dans l'ombre d'un mirage trop court.

La vision

Je suis dans le désert, ou je suis dans l'océan
Je vois les visions de mes doigts chantants,
Je vois la vision d'une goutte d'eau dans la mer
Qui devient une vague s'abattant sur la terre.
Et du bout du doigt
Quand je prends un rameau
J'entends et je vois
Le bourdonnement des eaux.
Est-ce ma sueur?
Est-ce ma vision?
J'ai peur de mon coeur
Et j'ai peur de ses sons.
Non je ne peux pas
Je ne peux pas mourrir ;
Si je meurs, je ne suis qu'une voile qui chavire
Quand je vois mon ombre
Je vois le ciel qui s'éclaircit,
Et quand je le regarde
Je le vois qui s'assombrit.
Quel genre de pouvoir
Ai-je dans les mains
Je ne peux le savoir
Et je cherche en vain.
Parfois sur le trottoir comme la glace sèchée
Qui glisse sur le bord d'une haute marée,
Viennent les couleurs
Viennent des frissons
Viennent des chaleurs
De ma grande vision.
L'arc-en-ciel de mes rêves bleus
Le typhon de la mer
forment tous deux
une partie de la terre.
Mes yeux ne regardent plus
Les beautés de la nature,
Car dans leur vie ils n'ont vu
Que les visions des flammes pures.
Des flammes noires
Des flammes rouges
pleine de pouvoir
qui toujours bougent ;
Des flammes blanches
Et leurs avalanches.
Rien que des visions
qui tournent en rond
Autour de mes yeux
Qui essayent de s'imaginer
Les cieux
Qui veulent se cacher.
Visions pleines de pouvoir
Visions pleines de devoir
visions qui nous arrachent
A l'ombre qui nous lache ;
Quand vais-je quitter ce voile de mes yeux
Et le remplacer avec celui des cieux,
Toute ma vie j'ererai
Dans une vision qui ne veut pas s'échapper.

Extraits de Ô ma jeunesse Ô ma folie