Ses racines sont toujours en chemin …
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Ses racines sont toujours en chemin …
Stéphane ARNOULD, La constellation des errants.
Voici le titre, encore inédit en ce début 2012, d’un auteur peu connu, originaire de la région namuroise, inclassable et original, né au milieu des années 60 et dont Julos Beaucarne, préfaçant son premier recueil, publié par les éditions Le Pré aux Sources de Bernard Gilson, disait : « Qui était ce voyageur inopiné qui se glissait dans ma maison à la faveur de la nuit ? Puis nous avons parlé de tout et de rien ou plutôt j’ai parlé car le personnage avait acheté des oreilles et vendu sa langue. Ce n’est que plus tard qu’il délia son sac de mots et qu’il sortit d’un cartable d’enfant des poèmes : la magie. La stature du voyageur se précisait, c’était un voyageur textuel égaré dans une forêt de haut-parleur (…). L’homme de la nuit se débondait maintenant, je ne connaissais pas encore son nom ni son prénom, j’avais deviné une vague direction : un Namur si lointain qu’il semblait du Caucase. Le gaillard avait dans le regard ce bonheur étrange des discoureurs inutiles, des chercheurs de voie. Les mots étaient ses chemins de traverse, ses coupe-feu, ses pièges, ses courts poèmes lui servaient de chaîne d’arpenteur (…)» (Préface à « Chemins de soi », 1988). Voici un portrait qui saisit l’essentiel de l’homme comme du poète : toujours en chemin, piéton des chemins de traverse, dernier Mohican de Wallonie, chercheur d’absolu, « clochard céleste », qui fait de la poésie et du désoeuvrement des voies d’accès à l’utopie, à la terre de nulle part c’est-à-dire de partout, traqueur de gnose, époumoné de verbe jusqu’à le rédimer dans le silence… Stéphane Arnould ne joue pas dans le théâtre de la littérature et du monde social : il cherche sans cesse, dans la métamorphose, le décalage, le décentrement, les traces de son identité d’homme, d’être vivant relié au Grand Tout. Le silence, le vide ; l’éblouissement, la plénitude. Comme le Yin et le Yang qui structurent le mouvement circulaire de l’éternel retour de la Vie, Arnould nomme dans ses poèmes nés du mouvement et de l’immobilité ce point de fusion qui est celui du samadhi : l’éclair de conscience, la compréhension foudroyante d’un moment extatique. Il y a beaucoup de lucidité et d’humilité dans la démarche de ce poète atypique. Il « cherche des amplitudes nouvelles dans la musique quotidienne des instants » (Chemins de soi, 1988) ; « Comme si le marcheur/n’était que vision…/Toujours pénétrant l’espace/lui-même le monde/jusqu’où ? (Marcher en terre inconnue, 2010) ; « Sur quoi se fondent mes poèmes ? / Sur rien, sur tout / Mais la terre me porte (…) » (La constellation des errants): voici trois extraits de sa materia poetica indiquant la constance et la cohérence de son parcours. Marqué notamment par la démarche d’un Daniel Pons, écrivain, photographe et poète français, dont Le Fou et le Créateur est l’œuvre maitresse, mais aussi par l’héritage culturel celte et druidique, Stéphane Arnould adhère sans nul doute à la poétique qui en découle, celle d’un unanimisme vital et du jaillissement où, comme l’écrit Pons, le souffle du verbe poétique rompt avec le concept de l’écriture pour « changer les pâles concepts que sont les mots en danseurs de cristal ».
Eric BROGNIET