Extraits du tapuscrit : Le cri de la myrtille : sur un marbre blanc.
Ma vie est une équation sans inconnue une monstruosité mathématique un délire euclidien à tout bien considérer il eut mieux valu que je l’ignore je croyais que comme toutes les vies elle avait eu un commencement et qu’elle aurait une fin mais voilà que je me mets à douter et ça remet tout en question je croyais qu’il y avait une inconnue et il n’y en a pas ma vie est une abomination mathématique une traîne d’étoiles rouges au cou d’un théorème noir
******************************
On a bien ri une fois n’est pas coutume bien épilogué aussi ça ne fait de mal à personne le jour s’est défait pièce par pièce nous avons perdu nos fous noirs blancs l’échiquier s’est dépeuplé peu à peu la nuit frappait du poing sur la table exigeant sa part de rêve nous avons cédé elle a tout repris et le jeu a repris un autre jeu avec d’autres couleurs ************************************ Entre Vizinar y Alfacar : sur les lieux de l’assassinat, en 1936, de Frederico garcia Lorca Imagine dos au rocher l’aube épaulant son fusil et sur le cran de mire juste ce qu’il faut de soleil blafard pour le coup précis et la mort exacte puis très vite comme déboutant d’une ravine le cabri noir de la peur et dans les yeux goulus de l’homme à bout portant une chevrotine de thym de menthe de laurier enfin la poudre vive son crachat de métal et la montagne ivre d’échos qui ne dessoûlera plus ************************************ Ma parole ne se couche jamais elle dort debout et accompagne le soleil si ma parole se couchait le soleil qui meurt où il n’y a pas d’hommes pas de veilleurs mourrait à son tour mes mots veillent la vie continue je chante et le soleil est mon ami *************************************** Mon sang est né au Pays des Chiens à deux pas des sources du questionnement il en est le féal et fleure bon l’époque enfant en bail de violence il est de fureur surtout il hante les banlieues insurgées mon sang a de la voix elle gronde si on venait à le blesser nul doute elle prendrait les armes car lorsqu’il s’élève le chant de mon sang réjouit mes pères comme eux il est vif et fort il guerroie avec les hordes ses fêtes sont mes lumineuses liturgies elles incendient mes saisons allumant sans faiblir les contre-feux des autodafés ou des bûchers le chant de mon sang s’adresse aux chiens conçu dans l’infini il peut être entendu du plus grand nombre je le tiens des fourmis envoyées par les sbires elles venaient avides à mon berceau pour voler le miel de mes lèvres et tenter de tarir ma parole mon sang aujourd’hui est joyeux il n’a cependant pas toujours chanté jeune il fut de larmes celles qui courent sur le fil des couteaux mon chant a mémoire du linceul d’aube blême qu’il porta en ces temps des rafles et d’injures où ça cognait ferme dans les crosses aortiques mon chant a beaucoup appris sa bannière est d’ecchymoses sur fond de casse-tête il est devenu fier mais il peut être différent : il parle chien aux chiens. ******************************** Enfant j’aimais la compagnie des puits leurs grands yeux d’eau sombre et profonde leurs fortes épaules de pierres scellées le chant lancinant des poulies à la peine sous ce docte magistère je connus mort heureuse sans avoir à la subir en épousailles fatales ce fut fête je pus lui rire aux nez les puits ironiques appelaient mort heureuse les pièges de sens et les contresens de la raison l’atonie doucereuse du giron la narcose des rêves les distillats ténus et fragiles de la conscience ils m’enseignaient l’ivresse des vertiges m’initiant à la dangereuse proximité des gouffres les puits furent mes miroirs j’y vis mon double en face j’appris à lire sur les lèvres de ma mort
Extrait de Terre sang feu, premiers écrits, en 1973.
ÊTRE
je suis entré en moi
sans un bruit dans mon tumulte
pas un cri du bois
pas un grincement du pêne
rien
à peine le crissement d’une larme
sur le désert d’une joue
j’ai poussé le verrou
comme on passe la main
sur un front moite
ou sur un ventre chaud
et la poigne qui me serrait le cou
a relâché son étreinte
le grabat rouge de ma peau
me tendait les bras
et dans un râle de vague
sur le cimetière d’une plage
je m’y suis étendu
j’ avais payé mon dû
j’ ai fermé les yeux
et aux horizons de ma rétine
tout a vacillé
le soleil de ma nuit interne
m’a mordu les paupières
insensiblement le galop furieux
des jours des soirs des nuits
s’est estompé
mille hennissements l’ont salué
là-bas ciel et terre
s’accouplaient sauvagement
dans la gouttière oxydée
de mes artères
le sang s’est remis à couler
à longs glouglous
au rythme de ma respiration
se commet l’assassinat
inlassablement répété
de l’oxygène
des armées en déroute
refluent dans mes veines
mon sang charrie des cadavres
les électrons même
ont déposé les armes
brisé les fusils
signé l’ignoble trêve
et aux créneaux de la citadelle
ne se dressent plus
que de sombres déclins
tandis que
dans mon poing crispé
s’apaise
la brûlure du poignard
qu’insidieusement l’on m’a glissé
en me disant :
la vie
Extrait de Éléments pour un sacrifice (1977)
Ce recueil a reçu le prix Gauchez-Philippot.
cri
de la myrtille sur un marbre blanc
une saison saigne le corps éructe
le verbe – feu – follet
énonce la mort
aux lèvres bleuies
tout est noir
bleu
crache son dégoût
un soleil schismatique
érige le chaos
les racines s’effarent
la terre bâfre
les héliotropes
la cendre trace
ses ellipses
la parole scelle les judas
inscrit l’ombre et le feu
dans la durée
cri
de la myrtille
sur un marbre blanc
personne n’entend
tu ris
mes mots ont les yeux du sommeil
Extrait de Ligatures & caillots mécrits (1982)
nous vivons un règne de vase
quelque tropisme calme
de poumons
gorgés d’eau
le vitriol des horloges
a défiguré tout espace
défait ces plissements du temps qui
conférant les rides
gravaient notre durée
nous sommes
sur drap de batiste noire
la pâleur des corps captive
de candélabres d’aisselles
***
rien n’est inscrit de sève
pour brasser le vide
questionne si tu oses
l’iglou des coudes autour du feu
est-il si rond
la bouche si close
n’accueillant plus
qu’en blanc de porcelaine
l’obole
des ligatures et caillots
***
bien avant
elle eut des cliquetis de cils longs
à fourbir les larmes
l’Aïd commence par l’agneau
et passe par le sang
la fête n’a ni queue ni tête
malgré les psaumes décapités
***
rien ne cadenassait
le coffre à outils du viol
trois mots suffirent
une ambulance me traverse
avec ses cris de goret
qu’on égorge
***
je suis qui mêle orchidées et chair
le métronome insomniaque des danses
***
il faut
agrandir la maison
que le feu
y tienne moins de place
les chaises peu d’espace
la table sera nette
de tout relief
pour abattre les cartes
l’anémie du geste
ne peut échapper
qui sortira l’as
***
grand vent la nuit
dans les haubans du sommeil
au fil à plomb de la douleur
vibrent les ventres des noyés
on bivouaque
outre nœuds d’ouate des silences
le tu reclus
toujours siffie
en nos cordages de bave
poids de paupières
mots de passe
assaillent les guetteurs
entre berges de suif
passent les cachalots de la parlotte
happés par le large
Les amants du chemin creux (2007)
pour mon pote Diegane,
le désir les a couchés sans appel
dans l’herbe tendre du chemin creux
la meute est loin ils jouent et jappent
la connaissance participe de l’obscène
et procède de ses joies
nus les corps célèbrent le sacrilège
à la face du ciel de dieu confondu
en bons chiens de retour au chenil
ils se déchireront et le savent
meurtris et défaits à l’échouage
dans le no mans land des équivoques
dextre ou senestre liés les amants
joueront aux dés leurs démons
à qui gagne perd et meurt
ils cultivent l’illusion sur le trèfle
de s’aimer vraiment à quatre feuilles
il l’avait trouvée offerte
et sitôt sans ambages troussée
à présent son sexe rose bée luit
et clapote sous sa main
agonisante elle gémit part en cascades
s’y noyant en cris spasmes et saccades
l’homme grogne et jure on le croirait fou
d’un coup terrible de son sexe il l’éventre
le sang blanc du sperme gicle brûlant
par la carotide du désir qui l’égorgeait
il meurt en sanglotant elle lui dit merci
Quelques textes de l’auteur.
L’évidence de Christian Edwin Andersen.
J’observe beaucoup mes contemporains. Cela m’évite le théâtre… Mais quel cinéma! J’vous dis pas. J’explique. En quelques phrases. Avez-vous remarqué qu’il n’y a qu’une chose que l’homme, obstinément, ne peut pas voir : c’est les évidences. Ça saute aux yeux. Que l’une d’elles se présente, il secoue la tête et se met en fureur. Il dit : non, non et non, l’homme. Il ne veut rien savoir. Il doit avoir lu Daumal, pas Camus. De toute façon, bien qu’il s’en défende, c’est à Jiji Cri qu’il carbure et là c’est mal barré. Un de mes amis, qui est alcoolo me l’a confirmé : il paraît que c’est une maladie, on s’en sort difficilement. On ne peut même pas leur en vouloir. De toute façon, a-t-il ajouté, c’est les autres qui souffrent. Il a vu – et souffert – l’Inquisition. Il en a senti les odeurs de chair brulée. Mais il n’a jamais cessé, et jusqu’à écœurement, de déguster l’hostie du Pape. Il aime qu’on lui donne du goupillon l’animal. On a beau lui dire que l’on est entré dans l’ère postchrétienne. Il feint de ne pas comprendre. Il ne se sent pas concerné. L’ère post quoi? Serait-ce que, l’admettant, il se sentira contraint de faire quelque chose? Ou, perversion suprême, est-ce parce qu’au fond il a une âme d’esclave et que sa vraie nature est d’en baver? Bref. De toute façon, la bave du crapaud n’atteint pas les étoiles… Auschwitz? Il s’en est rincé l’œil. Même s’il en redemande. Pour y faire de la savonnette arabe ou tzigane. Mais il n’est pas raciste. Bien sûr que non. Simplement, il nourrit la bête, la sienne, une belle bête, qui est au chaud, dans son ventre. Il ne peut quand même pas cogner sa femme tous les jours. Faut pas exagérer, voyons! Autre exemple de sa mauvaise foi – ah la foi – la pollution? Ne lui demandez pas de consommer moins : lui sa bagnole elle roule comme celle du curé, à la foi aussi, à l’eau souvent, même pas bénite, par souci d’économie. Non, lui il trie ses plastics, ses verres, ses cartons, les siens… C’est les autres qui polluent. Et j’en passe. Pas envie de recopier l’annuaire téléphonique pour que vous puissiez les appeler et leur passer un cigare : puisque c’est forcément pas eux qui polluent, c’est vous. Et c’est vrai. Vous! Et encore, je fais attention à ce que je dis? Je pèse mes mots : un sale type, l’homme. Un fieffé hypocrite. Un salaud. Pour tout dire, je ne l’aime pas. C’est simple : je suis un antihumaniste moi. Mais qui se retient. Vous devez le sentir d’ailleurs, ma retenue. Car je ne voudrais pas avoir à le combattre, l’homme : c’est un vicieux. Les coups fourrés, il connaît. Un mec dangereux, je vous dis. Je n’aimerais pas que l’on me retrouve raide, étouffé, un matin, dans la ruelle derrière l’église. Ou la mosquée, ou derrière n’importe quel temple, avec une bible, un coran, ou le Popol Vuh, ou l’Avesta, ou le Yi King, un Simenon ou même les aventures de Tintin, voire tout à la fois, enfoncés dans la gorge. Vous ne vous en doutiez pas? Et bien si! J’ai peur aussi, moi, parfois. Et j’en rajoute. Parce que, s’il ne veut pas voir en face les seules choses qui vaillent, les très rares et précaires « évidences » qui se comptent sur les doigts d’une main, c’est qu’il préfère croire, l’homme. C’est plus confortable. C’est qu’il sait, le futé, que son hominienne espèce elle ne va pas rigoler longtemps encore. Que les carottes sont cuites. Il sait cela, parce qu’il va à l’école l’homme, maintenant. Il n’ignore pas que son espèce, en naissant, était appelée à périr et périra, quoi qu’il fasse. Et que comme tout ce qui ne doit la vie qu’à la mort, tout, elle a entrepris de mourir, sur le champ, illico presto, l’espèce, à l’état embryonnaire déjà. En quelque sorte elle se réalise par régression, auto dégénérescence, l’espèce. Dans tout nouveau né, il y a du cadavre, is it not ? C’est son destin, à l’espèce, le sens et unique sens que l’on puisse lui prêter pour autant qu’il faille lui en trouver un. Et alors ça lui fout le tournis à mon compagnon de pré carré. Je vois bien qu’il broute. Mais il ne digère pas. Ça le travaille, comme on dit. Il se fait du mouron. Je le sens irrité et prêt à tout casser. Je me méfie car au lieu d’en tirer la plus grande félicité de ce constat (puisqu’il n’y a plus de soucis à se faire pour l’avenir, allons-y, jouissons plein tube et éprouvettes) ça lui met les chocottes à mon soi-disant frère l’humain. Il voudrait bien jouir mais il n’ose pas. Il a peur que sa voisine le voie ou l’entende. Ça ne se fait pas. C’est mal vu. Alors, à la carte, il souffre de l’estomac, de l’automobile, du portefeuille, de sa femme, de sa maîtresse, des ses enfants. Il souffre surtout beaucoup de ce qu’il ne fait pas. De frustration comme on dit. Il souffre de tout ce qui peut le faire souffrir, à satiété, goulûment quasi. Le Galiléen, Hanemanien avant l’heure, lui a enseigné que le meilleur remède à la douleur c’est la souffrance. Il a envie de se flinguer. On peut s’attendre à tout. Poussé par le désespoir, il est devenu inventif confirmant ainsi que l’angoisse est la clé du progrès : il a assassiné les dieux qui voulaient qu’il danse « comme dans la folie des bals musette et que son envers soit un véritable endroit » (dixit Artaud, de mémoire) il a inventé la maladie des prêtres (la dot et l’antidote), la médecine qui a réduit son corps à une fédération mal ficelée d’organes. Même les frileuses étoiles, dans la pluie froide des nuits, en rient. Et j’en ris avec elles. Nous nous comprenons. Je ris souvent. Notamment en travaillant. J’ai ri cent fois en écrivant ceci. « Frères humains qui après nous vivez, N’ayez les cœurs contre nous endurcis »… (L’épitaphe Villon) – Décidément vous saurez tout. Charleroi, le 23 août 2003. Billet d’humeur n°2.
La norme jubilatoire. Un fondement essentiel de ma pensée est la « norme jubilatoire ». Cela tant dit, je me trouve aussitôt tenu de préciser que c’est ici de ma pensée de poète qu’il s’agit et ce n’est pas innocent. La fonction de la pensée poétique, dès qu’elle apparut, dans la haute antiquité, fut, notamment, d’organiser et « mettre en musique » le ballet des divinités, de conseiller sagement les maîtres avisés qui y recourraient, d’éloigner les ténèbres sans pour autant exposer aux coups de soleil. C’est à quoi j’aimerais qu’elle retourne et c’est parce que malheureusement elle s’en éloigne que la remarque est d’importance. C’est pour ça que je crois nécessaire de vous préciser comment je vois les choses et comment je fonctionne…. La « norme jubilatoire » règle le souci permanent de ne prendre, le plus souvent et posément possible, pour repères pérennes fiables, soient-ils moraux, éthiques, philosophiques, politiques ou autres que ce qui n’exige ni efforts, ni sacrifices, ni renoncements, ni soumission, ni abandon, ni auto mutilation tout en participant harmonieusement au grand concert du renouvellement de l’infini de la vie dont l’homme est partie, mais partie seulement, fondamentale bien sûr, mais pas d’avantage que la fourmi, que le saule, que le tungstène, etc… Nos règles de vie, selon cette norme (qui ne risque guère d’être publiée au journal officiel), doivent être souples et intimement adaptées à la volatilité de notre existence éphémère pour la faire resplendir jusqu’à fascination. Chaque vie doit devenir, par son éclat, une invitation réitérée à l’éternité. Avant de vouloir le bonheur des autres, nous aurons soin de prendre notre pied et, surtout, nous le garderons. Car il est grand temps, non seulement de rompre avec la morale du ressentiment et de la culpabilisation que nous tenons du judéo-christianisme, mais aussi de peaufiner et diffuser nos valeurs païennes aussi paillardes puissent-elles paraître. Nous pourrons alors, et une fois pour toutes, aimer, vivre et mourir comme il est bon de le faire : follement, sans retenue, à pleine bouche, à pleins poumons! J’aimerais que l’on enseigne à l’homme le « souci raisonnable de soi » (la raison n’étant en l’occurrence qu’un « grand bon sens incarné » dicté par l’enivrant breuvage de nos « sens » et de nos chairs ») avant le « souci fallacieux, souvent misérabiliste ou hypocrite de l’autre ».
Pour Enno. Rescapé de la traversée amniotique tu dors oublieux des tempêtes de l’assaut des vagues qu’affronta le frêle esquif maternel tu dors au creux de tes rêves à même le sable sur ta première plage blonde tu dors comme dorment les étoiles au fond du ciel les blanches sirènes au fond des océans sur les genoux des tendres baleines tu dors Enno tu n’as encore pas inventé les nuages ni les orages ni le gros temps dors Enno au creux de tes rêves dors Enno sur cette plage première dors avant que ne s’invente la première blessure dors.
Lettre à René Pommier du 24.11.2003 « C’est un bonheur de pouvoir se tromper et j’ai été très heureux … ». C. E. A. « Cette expérience m’a rendu très méfiant non seulement à l’égard des religions et de tous les obscurantismes, mais aussi de toutes les idéologies, voire de tous les systèmes de pensée… ». R. P. Permettez-moi d’ajouter ceci, à mon message précédent, en me référant à votre phrase en exergue: Je me demande dans quelle mesure les systématisations ne sont mêmes pas plus dangereuses que les pensées qu’elles véhiculent, ou sur lesquelles elles se fondent, s’articulent. Nous mêmes dans notre dénonciation de l’Islam et du judéo-christianisme devons prendre garde aux globalisations, aux systématisations, aux redites et resucées assénées à répétition et donnant, ou prétendant donner, l’illusion d’être la clé qui ouvre toutes les portes à la compréhension, à l’intelligence des problèmes. J’ai fréquenté des « laïques » qui étaient proprement insupportables et ridicules car ils déclinaient à l’infini toutes les formes de leur pensée, ou dirais-je mieux de « leur reliquat de pensée » avec le même fanatisme que les imams, que n’importe quel moine du Tibet, que n’importe quelle sœurette du sacré cœur de Jésus. Ils transforment ainsi le propos laïque en ce qui ressemble par trop aux professions de foi et dissuadent la recherche déjà tellement handicapée par l’éternelle paresse de l’esprit. Nous devons constamment, même si c’est fort difficile, souligner la « précarité » de toute pensée et en particulier de la nôtre car seule cette affirmation du droit à l’erreur, seule cette extrême et profonde modestie, nous autorisent à dénoncer les totalitarismes, quels qu’ils soient et à garder « la conscience relativement propre ». C’est cette conviction profonde que toute pensée est infiniment précaire, « qu’une idée n’est qu’une idée » qui nous autorise mais aussi nous commande d’être aussi intraitables dans la lutte contre les idées que nous devons être plus respectueux de celui qui les véhicule même si nous abhorrons ce qu’il a dans la tête. Je ne dirais pas que la pensée est une maladie de l’esprit mais je m’en méfierai toujours et une certaine prophylaxie, une sorte de vaccination périodique (comme celle contre le tétanos) ne serait pas un luxe. Le corps est bien moins dangereux : comme l’univers, comme les systèmes solaires en formation ou en extinction il avale, il excrète, il continue à participer de l’infini quand déjà la pensée est mourante, voire morte. Sur cette pensée profonde! Je vous salue de nouveau,