Textes
                    
                        La Rose
        
        Dans le jour gris
        Que l'aube fleurit,
        Lente et limpide,
        Et comme un lied
        Tout aérien,
        Tout incertain,
        Tout en nuances,
        Berce et cadence
        Un rêve d' enfant,
        La brise doucement
        Emeut une rose
        Humide et close ;
        Et l'on dirait
        Battre un coeur frais,
        Où dans la brume
        Qu'une flamme allume,
        Dort un secret.
        
        L'Araignée
        
        Petite cervelle griffue agrippée à son piège
        Géométrique, veillant seule dans le sortilège
        De cette nuit immobile, lustrale et toute baignée
        D'une fraîcheur résineuse et moisie, l'araignée,
        Prisonnière de l'instinc, du monde et de sa toile
        Tendue sur le ciel blême, n'a pris aucune étoile.
        Mais tandis que l'automne frileuse et engourdie
        Rallume au matin vif son humide incendie,
        Le piège de la subtile, dans le vent frais qui fleure
        Le chrysanthème, est plein d'un scintillement de pleurs.
        
        L'Araignée
        
        La plaine, dont les labours roulent jusquà l'horizon,
        Dort. Sa respiration lente, où l'automne s'exhale,
        A la puissance amère et pure de la raison.
        Et sur cette nudité que couvre une ombre pâle,
        Sans fond, sans cours, sans rives, sans un murmure, la nuit
        Coule. Dans l'obscurité toute éclatante d'étoiles,
        Suspendue entre ciel et terre, ainsi qu'un fruit
        Fragile et minuscule, une araignée, sans toile,
        File ; ramassée en soi, telle une goutte de pensée
        Perdue sous le vent sourd du devenir éternel,
        Elle file de sa chair vive, dans le silence glacé,
        L'irréductible lacs où se prend tout le ciel.
        
        La rose
        
        Dans la splendeur mourante de cette belle nuit d'automne,
        La terre pleure ses amours que les heures ont meurtries ;
        Déchiré, son orgueil aux ombres s'abandonne,
        Où muse l'ubiquité sybilline de l'esprit.
        
        Et moirant le silence en ondes qui se prolongent,
        La plainte d'un chant lointain s'épuise en longues traînées
        Où le désir se mire dans les soupirs du songe.
        Les vents coulent une eau lente où des fleurs ont fâné.
        
        Douloureuse, une rose rouge, qu'étreint l'amer arôme
        De cette automne blessé qui renonce à ses fruits,
        Telle une flamme frémissante et dont la cendre embaume,
        Offre son sacrifice au mystère de la nuit.
        
        Mais tandis que dans l'herbe où perle une rosée blême,
        Coeur épineux qui saigne, elle perd ses feuilles de sang,
        Le parfum de son rêve, qu'elle ignorait elle-même,
        Emplit l'ombre secrète de son secret encens.
        
        Extraits de La Rose et l'Araignée,