VAN LERBERGHE Charles

Biographie

Charles Van Lerberghe naît à Gand le 21 octobre 1861. Après le décès de son père (en 1868), il vit les sept années suivantes avec sa mère et sa sœur Marie, d’un an sa cadette. De 1867 à 1870, il suit les cours élémentaires à l’Institut Saint-Amant, puis en août 1870, s’inscrit au Collège Sainte-Barbe, tenu par les Jésuites. En 1871, il interrompt ses études sans doute pour des raisons de santé. Le 19 septembre 1872, sa mère meurt. L’orphelin est mis en pension au Collège de Melle, à Gand, par son tuteur, l’historien d’art et folkloriste Désiré van den Hove, par ailleurs oncle de Maurice Maeterlinck. L’année suivante, Van Lerberghe retrouve le Collège Sainte-Barbe à Gand où il est le condisciple de Maurice Maeterlinck et de Grégoire Le Roy. C’est là qu’il écrit ses premiers poèmes et notamment un cantique à L’immaculée Conception. De 1879 à mars 1882, il suit les cours de philosophie et lettres à l’Université de Gand, mais, ajourné, il abandonne les études universitaires (qu’il reprendra sept ans plus tard) et mène une existence tranquille de bourgeois nanti.

Le 5 juillet 1886, Georges Rodenbach le présente dans La Jeune Belgique en même temps que Maeterlinck et Leroy; l’année suivante, les trois amis de Sainte-Barbe sont réunis à nouveau dans Le Parnasse de la Jeune Belgique.

Les flaireurs, écrits en 1888 et publiés en 1889, sont représentés au Théâtre d’Art ( Paul Fort ) à Paris le 5 février 1892.

En 1889, il s’est remis aux études à l’Université libre de Bruxelles, où il obtient (le 24 juillet 1894) le titre de docteur en philosophie et lettres (avec distinction).

En 1895, il commence à écrire Entrevisions, publié en 1898.

De 1889 à 1898, de la publication des Flaireurs à celle d’Entrevisions, aucun livre ne sera donc édité. Van Lerberghe habite Bruxelles, puis s’installe provisoirement à Bouillon avant d’entamer un voyage qui durera deux ans : Londres, Berlin, Dresde, Munich, Rome, Florence, Venise.

En 1901, une idylle naît entre lui et Béatrice Spurs, une jeune Américaine rencontrée à Venise. Ça a bien été mon premier véritable amour, écrit-il à Fernand Severin le 18 mai 1902, avant de retourner à Bouillon.

La Chanson d’Eve est publiée en 1904.

En septembre 1906, en visite chez G. Le Roy à Molenbeek Saint-Jean, il est terrassé par une congestion cérébrale; il reste paralysé et meurt un an plus tard, le 26 octobre 1907.

Bibliographie

Poésie :

  • Entrevisions, Bruxelles : Lacomblez, 1898.
  • Entrevisions, s.l. : Nouvelle société d’Éditions, 1936.
  • Entrevisions suivi de Poèmes posthumes, frontispice gravé sur bois par P.-Eugène Vibert, Crès et Cie, Paris : Les maîtres du livre, 1923.
  • La chanson d’Ève, Paris : Mercure de France, 1904.
  • Solyane et huit poèmes, dans Parnasse de la Jeune Belgique, Léon Vanier, 1887.
  • La chanson d’Eve, Paris : Mercure de France, 1904, Bruxelles : Jacques Antoine 1980.
  • Solyane, Paris : Seghers, 1969.
  • Entrevisions, réédition, Palimpseste, Singuliers, 2007.

Prose :

  • Lettres à Fernand Severin, Bruxelles : Ed. La Renaissance du livre, 1924.
  • Contes hors du temps, Bruxelles : Abbaye de la Cambre, 1931.
  • Lettres à une jeune fille, Bruxelles : Ed. La Renaissance du livre, 1954.
  • Des variations du goût dans l’art italien, 1964.
  • Lettres à Albert Mockel, 1887-1906, édition établie, présentée et annotée par Robert Debever et Jacques Detemmerman, Bruxelles : Ed. Labor, 1986.
  • N’êtes-vous pas patineuse? Lettres à Marguerite Gombert, édition présentée, établie et annotée par Jacques Detemmerman, coédition Académie royale de Langue et de Littérature françaises / Le Cri, 2004.

 

Théâtre :

  • Les flaireurs, édition originale tirée à 25 exemplaires, Liège : La Wallonie, 1889. Rééd. Bruxelles : Lacomblez, 1891; Paris : Mercure de France, 1904.
  • Pan, comédie satirique en trois actes, en prose, Paris : Mercure de France, 1906.

  • Mademoiselle Le Faucheux ou l’Araignée bleue, Bruxelles : Lamertin, 1921.

 

A consulter :

  • Albert MOCKEL, Charles Van Lerberghe, Paris : Mercure de France, 1904.
  • Fernand SEVERIN, Charles Van Lerberghe, Bruxelles : Palais des Académies, 1922.
  • Lucien CHRISTOPHE, Charles Van Lerberghe, l’homme et l’œuvre, Bruxelles : Office de publicité, 1943.
  • Claire MICHANT, Défense et illustration de la Chanson d’Eve, Bruxelles : Éd. du Bourdon, 1945.
  • Jean GUILLAUME, La poésie de Van Lerberghe : essai d’exégèse intégrale, Bruxelles : Palais des Académies, 1962.
  • Hubert JUIN, Charles Van Lerberghe, Paris : Seghers, 1969.
  • Robert GOFFIN, Solyane : un chef-d’œuvre oublié, Paris : Seghers, 1969.

 

Textes

Comme Dieu rayonne aujourd’hui

Comme Dieu rayonne aujourd’hui,

Comme il exulte, comme il fleurit.

Parmi ces roses et ces fruits!

 

Comme il murmure en cette fontaine!

Ah ! comme il chante en ces oiseaux…

Qu’elle est suave son haleine

Dans l’odorant printemps nouveau!

 

Comme il se baigne dans la lumière

Avec amour, mon jeune dieu!

Toutes les choses de la terre

Sont ses vêtements radieux.

Commentaires

Ce tempérament élégiaque, avec tout ce que cette attitude comporte d’émerveillement facile et de mièvrerie, est responsable de la plus sérieuse entreprise poétique de sa génération, en Belgique: ce long poème de La chanson d’Eve, qui se veut une réflexion et une structure.  A cet égard, cette oeuvre se situe entre Mallarmé et Valéry: l’impossible ambition de l’un et la mise en pensée comme elle est décrite dans Charmes.  Symboliste, ce poème se sait un éveil et refuse de se considérer comme un drame: là est sa limite, mais on ne peut nier qu’il s’exploite fort bien, ne donnant jamais à la créature les affres de la libération contre son créateur.  La prise de conscience est ici toute de mesure, et  l’idée même de révolte n’effleure jamais vraiment le poète.

Esthétiquement satisfaisant, il est le premier à avoir préféré à la rime, soit l’assonnance, soit le vers libre, de sorte qu’il ne partage pas les défauts des ses contemporains; s’il est en quelque sorte à cheval sur deux esthétiques, il ne risque pas de se voir désarçonner.  On a plaisir à le lire: le peut-on sans le réintégrer _ il faudrait dire: l’incarcérer _ dans son époque, qu’il ne dépasse que par sa douceur?  Selon les jours et les humeurs, on peut considérer que cela suffisant ou non.

Editions Traces, Bruxelles (1985), “La poésie francophone de Belgique”