TOURNAY Jean-Claude

Biographie

Jean-Claude Tournay, est né à Celles, en 1951, a donné ses premiers poèmes dans La Dryade. Fils d’un bûcheron ardennais, il a gardé de la forêt la nostalgie de son enfance et les mots-clés de sa poésie sont des noms d’arbres, chênes, épicéas, érables, bouleaux, et les résines et les sèves sont les équivalents du sang humain, du courant de la vie. Il a longtemps habité Achet (Hamois-Province de Namur). Il a enseigné le français à l’Athénée Royal de Ciney.

Jean-Claude Tournay est décédé le 17 septembre 2021.

Bibliographie

  • D’écorce et de plainte, poèmes, Éd. La Dryade, Virton, 1975.
  • A force de hache, poèmes, avec des photos de Gilles Gaillard, Éd. Louis Musin, Bruxelles, 1978.
  • L’oeil vert, poèmes, ill. de G. Bogaert, Éd. Louis Musin, Bruxelles, 1980.
  • L’ombre épicéa, roman, ill. de Jean Lejour,
  • L’âme sanglière, poèmes, ill. de Jean Lejour, Éd. Louis Musin, Bruxelles, 1983.
  • Mise à blanc, poèmes, Éd. Pré aux Sources-Bernard Gilson, Woluwé-Saint-Lambert.
  • Pour Aurélie, poèmes, chez l’auteur, Endron-Celles, 1988.
  • Mirande Iroise, Cahiers Blanc silex, Quimper, 2000.

Textes

Extraits

Mise à blanc

à Jean Mathot

Une serpe de coq
a-t-elle à peine entamé l’aube
qu’elle arbore ses geais
resserre au front
la maille de ses ronces

toute campagne ici
se voit mise en demeure
de décliner son horizon

tout défricheur
de se plier
aux tables strictes de ses lierres

***

A genoux   avec lui
à tout petits pas d’ongle
tant incarné de vivre
il nous faut caresser
mesurer
la croissance des cernes
l’ascendance des rides
jusqu’au calice de l’aubier

à genoux    griffe en main
(c’est notre lot
notre ouvrière liturgie
au béant livre des lignées)
il nous revient toujours
de coucher noir sur blanc
l’alphabet colossal de notre ruine

de signer notre effroi sur la page tombée

***

Par temps
de très haut dans la nuit
raclant son fiel à coups d’éclairs
nous veillons
crucifiés à la herse des mots
écharde au poing
nous tenons au rideau déchiré
à la rature de tout prodige à la face des temples

et pour nous
qui ne changeons pas l’encre
ni l’épine du père
pour nous
les vigies en prière aux marches de l’aveugle
il n’est à l’aube d’autre pardon
qu’ergots et clous de coq

Commentaires

Pour Jean-Claude Tournay, l’acte d’écrire en poésie (de tailler artisanalement dans la matière langagière), l’acte de “bûcheronner” en forêt (dans la superbe matière arborescente) : même combat, même jubilation.
Même amour de l’arbre et du verbe mais aussi et surtout de l’homme, tous ces “compagnons” où se rejoignent concrètement les choses du ciel et de la terre.
Même jouissance et même effroi devant l’acte de vivre et de faire vivre, l’acte d’écrire n’étant pas séparé de l’acte de vivre.
La langue est drue, élaguée. Elle est rugueuse et souple, maîtrisée et généreuse. Dans une sensibilité tout en justesse, où la retenue et le don s’équilibrent et se complètent.
Mise à blanc : un recueil nu et chaud, “tout en écorce de mots” . Oui, Mise à blanc, mise à nu, mise à mort, mise à vie.

André Schmitz (quatrième de couverture de Mise à blanc).