THOLOME Vincent

Biographie

Vincent Tholomé
Né à Namur le 20/11/1965
Poète (à défaut d’un autre mot)

Quelquefois, il ne se passe rien d’autre dans ma tête que le repose-plat devant moi sur la table. D’autres fois, il ne se passe rien d’autre que ce nez bouché et cette gêne à l’épaule. À Bruxelles, par contre, au rond-point Schumann, lorsqu’on sort du métro et débouche à l’air libre, il ne se passe pas deux fois la même chose. Une fois, il y a eu le vent. Une autre fois, un homme en costume-cravate s’est autophotographié. Pour s’autophotographier, il faut déposer l’appareil sur un muret, un pilier ou une table puis courir et prendre la pose avant que l’appareil fasse clic. À la question qu’est-ce qui serait pour toi le comble du bonheur, le chanteur Daniel Darc a répondu porter le même t-shirt pendant dix jours sans qu’il ne pue. Pour ma part, j’aime mettre des piments à sécher, je n’aime pas être obligé de me laver tous les jours. Je retrouve avec plaisir quatre fois par semaine le rond-point Schumann. Mes amis s’appellent Sébastien, Arno, Charles et Igor. Toutefois, alors que mes amis sont mes amis, ils ne connaissent pas tout de ma vie. Mes amis ne savent ni ce nez bouché ni cette gêne à l’épaule. Igor ne porte ni t-shirt ni costume-cravate. Ce que pense Daniel Darc ravirait Sébastien. Dans la vie, j’aime déposer l’appareil à écriture sur un muret et courir loin de lui jusqu’à ce qu’il fasse clic en tombant sur le sol. Dans le passé, j’ai étudié. Maintenant, je travaille. Je relis régulièrement des livres déjà connus, déjà lus. Je vais au cinéma. Quand je retrouve Sébastien, nous parlons de tout et de rien devant des pâtes trop cuites. Il y a bien longtemps que je n’ai pas eu de nouvelles d’Igor. Je n’ai ni mariage ni enfant à mon actif. J’aime une femme bien plus grande que moi. Une fois, au rond-point Schumann, nous avons cherché ensemble une rue introuvable. Nous tenons quelquefois le plan à l’envers. Dans la vie, on est sans dessus dessous. Quand j’entends clic ça y est je suis arrivé au bout. Il faut dire que ces temps-ci le soleil a tendance à me cuire.

Vincent Tholomé est lauréat du Prix triennal de Poésie 2011, décerné par la Communauté française, pour The John Cage experiences paru aux éditions Le Clou dans le fer en 2007; ainsi que de la bourse Spes 2013.

Bibliographie

Livres

  • Bang !, aux éditions Carte Blanche, 2000.
  • Photomaton, aux Carnets du dessert de lune, 2002.
  • Faits divers, aux éditions de l’Acanthe, 2002.
  • Couples, etc., aux éditions Le clou dans le fer, 2003.
  • People, Bruxelles : Maelström, 2006.
  • Tout le monde est quelqu’un, Montréal : Rodrigol, 2007
  • The John Cage experiences, Paris/Reims : Le Clou dans le fer, 2007. Coll. Expériences poétiques. Prix triennal de Poésie 2011.
  • Kirkjubaejarklaustur, Le clou dans le fer, 2009.
  • La Pologne et autres récits de l’Est, Le Quartanier, 2010.
  • Cavalcade, Le clou dans le fer, 2012.
  • Vuaz, MaelstrÖm, 2013. (CompAct).

Plaquettes

Aux éditions de l’Heure :

  • Portrait de maman en fan d’Adamo, 2000.
  • araignée mickey pomme de terre, 2000.
  • La Tête, 2001.
  • je ne sais pas quand il amasse mais absolument, 1999.

Aux éditions Poésie Express :

  • keep cool, 1999

Publications pédagogiques

  • Où allons-nous ? Et que faisons-nous ?, Bruxelles : Indications, 2006. Hors série de la Revue Indications. En collaboration avec Sébastien Diesner.

Publications en revues

A publié dans de nombreuses revues en France et en Belgique : Quaderno, Les Améthysthes de Thyl, Ecritures, Nioques, Java, 4/5, DWB (Flandre), Fusées, TIJA, Ces gens-là, Action Poétique, Sapriphage, etc. Traduit en espagnol dans la revue colombienne Prometeo.

Publications sur le net

Histoire secrète des prairies du Nord-Est asiatique sur publie.net, 2010 : http://www.publie.net/fr/ebook/9782814503564/histoire-secr%C3%A8te-des-prairies-du-nord-est-asiatique

Activités littérataires autres que les publications

Revuiste :

A dirigé ou co-dirigé les revues Tombe tout court, ttc et Facial.

Lecture-performance :

A lu en solo, duo(s), trio(s), quatuor, ou en big band dans des salles ou dans la rue, en France, en Suisse et en Belgique, notamment sur France culture aux côtés de Jean-Pierre Verheggen et de Laurence Vielle ; au sein du Big band de littératures féroces avec ou sans dents aux côtés de Laurence Vielle, Frédéric Saenen, Christian Duray, Dominique Massot, Daniel Hélin et Mathieu Ha ; en duo de poésies improvisées avec le poète sonore Sebastian Dicenaire ainsi qu’avec Caroline Jennes ; en trio de poésies improvisées avec Caroline Jennes (voix et textes) et Alain Bolle (sampling) ; au sein du quatuor [kwad] aux côtés de Sebastian Dicenaire (voix et textes), Jacques Foschia (radios) et Alain Bolle (sampling) ; en big band avec le collectif de musiques improvisées Inaudible, etc.

Animateur d’ateliers d’écriture :

A animé, depuis 2000, des ateliers d’écriture à la Maison de la Poésie de Namur et à l’ARC de Namur ; donne, depuis 2003, des ateliers d’écriture pour la revue Indications (ateliers dans les bibliothèques, dans les écoles primaires et secondaires ainsi qu’à la Maison de la Poésie de Namur).

Textes

UN INÉDIT : un extrait de VOILÀ

voilà.   voilà est.   de toute évidence.   le premier mot de l’histoire voilà.   il est évident que cette histoire nommée histoire voilà commence par le mot voilà.   au tout début de la première page de l’histoire voilà il y a un mot &.   de toute évidence.   ce mot est voilà & pas un autre.   de toute évidence un autre mot ne commence pas l’histoire voilà.   je crois que.   pour ma part.   si un autre mot avait commencé l’histoire voilà l’histoire voilà ne se serait pas appelée histoire voilà mais histoire l’autre mot.   mettons que l’histoire aurait commencé par bien.   je pense que.   pour ma part.   cette histoire ce serait appelée histoire bien.   il est.   en effet.   évident.   pour ma part.   qu’une histoire commençant par le mot bien s’appelle histoire bien de même qu’il est évident.   en effet.   pour ma part.   qu’une histoire commençant par voilà soit une histoire voilà & pas une histoire bien.   de sorte que.   l’histoire commencée par voilà ne peut pas être une histoire bien.   de sorte que.   ce que raconte l’histoire voilà n’est pas ce que raconte une histoire bien.   car une histoire voilà commence par voilà pas par bien.   ça n’en a pas l’air mais ça a quelqu’importance.   car n’importe quelle histoire ne peut pas commencer par voilà de même que n’importe quelle histoire ne peut pas commencer par bien.   quand bien même l’histoire voilà raconterait apparemment la même affaire que l’histoire bien l’histoire voilà ne saurait pas se confondre avec l’histoire bien.   étant donné que voilà est le premier mot de l’histoire voilà il influe sur l’histoire & fait prendre à l’histoire un tour inattendu.   de même que.   la même affaire apparemment commencée par bien serait influée par bien car telle est la force des mots qu’ils influent l’histoire qu’ils racontent quelquefois jusqu’au point de lui faire prendre un tour inattendu.   si bien que.   il suffit de commencer une histoire.   n’importe quelle histoire.   par voilà &.   si on laisse influer voilà sur l’histoire.   on aura une histoire voilà & pas une histoire bien.   c’est simple.   pourtant.   alors que.   de toute évidence l’histoire voilà commence à sa première page par le mot voilà.   il y a beaucoup de types à qui je raconte cette affaire d’histoire voilà & d’histoire bien.    il y a beaucoup de types.   & de femmes aussi oui.   il serait faux de dire qu’il n’y a que beaucoup de types à le croire.   il serait faux d’induire que pour beaucoup de femmes il est évident que l’histoire voilà commence par voilà.   il y a beaucoup de types & de femmes donc aussi qui préfèrent ne pas croire que l’histoire voilà commence réellement par le mot voilà.   peut-être.   en effet.   disent-ils & disent-elles.   suivant en cela une opinion répandue.   l’histoire voilà a déjà commencé bien avant le premier mot de l’histoire.   peut-être.   en effet.   ajoutent-ils & ajoutent-elles.   dans ce cas alors.   serait-il plus juste de dire que.   une fois.   il y a une histoire.   elle commence n’importe où n’importe quand & n’importe quel mot la commence.   le fait est.   pour beaucoup de types & de femmes.   & après eux leurs enfants.   & les enfants de leurs enfants & les enfants des enfants de leurs enfants etc.   & avant eux leurs parents & leurs grands-parents & les parents de leurs grands-parents etc.   que.   pour eux.   il y a d’abord kèkchose à dire.   il est obligatoire.   pour beaucoup de types & de femmes c’est comme ça.   il est inconcevable que ça n’aille pas comme ça.   ils ont pris l’habitude de croire que ça doit aller comme ça.   &.   alors que pour eux ça ne peut qu’aller comme ça.   alors que pour eux il y a d’abord une histoire n’importe quoi n’importe laquelle avant le premier mot de l’histoire. par exemple il faut d’abord vouloir raconter kèkchose mettons à propos de la cafétéria d’une gare.   si bien que.   suivant en cela une opinion fort répandue.   alors que.   beaucoup de types.   & beaucoup de femmes aussi oui.   croient que kèkchose d’abord arrive avant de dire le premier mot de l’histoire par exemple voilà.   mettons que le premier mot de l’histoire soit voilà.   &.   en effet c’est le premier mot de notre histoire.   eh bien suivant une opinion toujours fort répandue l’histoire voilà ne ferait que reprendre une histoire ou kèkchose qui a déjà eu lieu.   par exemple dans la cafétéria d’une gare.   par exemple il y aurait eu un type qui aurait sorti son journal.   il l’aurait étalé bien à plat sans l’ouvrir.   il aurait bien mis à plat la première page sur la table.   il aurait pu lire les gros titres ou les petits de sorte que.   par exemple.   il aurait appris que des taxes plombent le billet d’avion.   un des cardinaux est un des outsiders à la succession du pape.   suite à son exploit dans une course connue un cycliste connu mais il aurait déjà pris par le passé de l’epo suscite la polémique.   un célèbre homme d’affaires français est malmené par l’accusation.   du textile venu d’asie submerge l’europe.   il existe une pilule plaisir.   circule dans l’air une note gouvernementale afin de mieux gérer les scissions entre des régions.   la téléréalité est un univers impitoyable.   on pense déjà aux élections de l’année prochaine.   une principauté s’habille à nouveau en noir.   un médiateur peut faire des miracles pour les pensions.   le cuivre serait un matériau du futur.   un patriarche caustique est mort décédé.   votre magasin change & ça change tout.   & mettons que.   peut-être oui.   le type.   40 piges.   a lu distraitement les gros titres & la plupart des petits.   mettons que ça soit ça qui se passe dans la cafétéria d’une gare alors que le type.   40 piges il faudra y revenir.   il faut revenir un jour à cette affaire du temps.   on ne peut pas faire comme s’il n’y avait pas cette affaire du temps.   n’importe quelle histoire.   y compris une histoire voilà.   spécialement une histoire voilà.   a quelque chose à faire avec toute cette affaire du temps.   & d’abord quand commence une histoire voilà.   & d’abord cette affaire du temps c’est quand commence une histoire voilà.   & une histoire voilà.   ça n’en a pas l’air mais oui ça a quelqu’importance.   elle ne commence pas n’importe quand.   elle commence quand on dit voilà.   le premier mot de l’histoire voilà.   comme si tout ce qu’il y avait avant.   & notamment le type & son journal dans la cafétéria de la gare mais oui ils étaient là avant.   si bien que.   oui il y a des affaires qui se passent avant l’histoire voilà.   il y a plein d’affaires qui se passeront dans l’histoire voilà.   & plein d’affaires auront lieu après mais.   l’histoire voilà.   elle.   ne commence qu’avec voilà parce que.   toute l’affaire du type & de son journal & le fait aussi qu’il note kèkchose dans le journal.   dans les marges du journal.   avant le début de l’histoire voilà il a en effet sorti d’une poche intérieure de sa veste un stylo à bille.   il a commencé à noter kèkchose mais quoi dans les marges du journal.   & oui il l’a fait une demi-seconde ou trois siècles avant le début de l’histoire voilà.   mais l’histoire voilà n’a rien à voir avec ce type.   &.   alors que pour la plupart des types & des femmes l’histoire voilà aurait kèkchose à voir avec ce type.   alors que la plupart des types & des femmes suivent l’opinion commune fort répandue que l’histoire voilà raconte quelque chose à propos de ce type.   il se fait que peut-être non.   il n’y a pas kèkchose à dire à propos de ce type.   peut-être non il n’y a pas d’histoire avant que ne commence l’histoire voilà.   peut-être que ce type on en fait tout une histoire parce que.   tout à coup il y a eu le mot voilà & le fait est que c’était le début d’une histoire.   bon.   quand on a dit le mot voilà on a commencé une histoire.   eh bien le type.   40 piges.   il était là dans la cafétéria de la gare.   il lissait la première page de son journal.   il notait quelque chose dans les marges.   il le faisait quand le mot voilà est sorti.   il était là.   par hasard.   il est entré dans l’histoire.   il est devenu le héros de l’histoire.   il ne reste plus.   maintenant.   qu’à lui inviter un monde.

Commentaires

Prix triennal de poésie 2011 pour son livre The John Cage Experiences.

Voir à ce sujet : “Poésie : The Vincent Tholomé Expérience”. In : Indications, n° 388, juin 2011.

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Bang!

Voilà de la poésie apparentée aux brèves de comptoir. Elle sort direct du quotidien. Elle s’écoule en paroles venues comme ça dans la bouche, comme on parle. Non plus comme on polit des vers bien rimés, bien rythmés avec des pieds pairs ou impairs à compter sur le bout des doigts. Elle ravage la langue. Elle parle aussi de ce qui ravage nos petites vies journalières.Elle matraque la pub pour des produits bon marché des hypermarchés. Elle rejette le conditionnement des mamans qui continuent à peser sur le habitudes de leurs rejetons devenus adutltes. Elle focalise sur des riens qui mobilisent l’obsession: les toilettes bouchées, la vaisselle sale sur la table ou les produits périmés dans le frigo qui moisissent, les gosses devant faire pipi juste quand on va réussir sa moyenne kilométrique sur l’ autoroute, le cerveau passé aux micro-ondes du portable…C’est de l’oralité pure. D’autant plus pure qu’elle a été épurée pour devenir un discours contenant sa propre musicalité aves ses contrepoints de répétitions, son débit constant issu à la fois de la pensée vagabonde et des cordes vocales, débondé sans ponctuation, terrible car il met à jour nos stéréotypes comportementaux, nos délires bien cachés sous nos crânes.

Michel Voiturier (Le Carnet et les Instants)