TEICHER Thomas

Biographie

Thomas Teicher est né à Namur en 1983. Il s’est passionné très tôt pour le jazz, que son père, violoniste comédien, joue en récitant des poèmes. Mordu de peinture et de saxophone dès l’adolescence, il passe par le Conservatoire de Bruxelles, entre 19 et 21 ans, mais, rebelle à la scolastique, cette école n’a pas réussi à laminer ses dons!

Bibliographie

  • Les cercles nocturnes, Paris : L’Harmattan, 2009.
  • L’asphalte des condamnés, slam, Paris : L’Hamattan, 2011.

Textes

Avant-propos

Il faut retrouver le mystère, l’ombre maléfique, l’inconnu de la soif, en finir avec cette lumière néonisée, cette excroissance de l’aufklarung qui projette sa déliquescence blafarde, sa réverbération dictatoriale sur l’entièreté de nos organes voués à se tordre sur eux-mêmes comme une colonie de lombrics.
Il faut redonner aux visages leurs contradictions, leurs contrastes, leurs contrariétés, sans quoi la laideur totale risque bien de démêler l’infinie frustration de ce siècle inapte.
J’attends de l’art qu’il soit obscur et terrifiant, insondable et terrestre, qu’il brûle, même et surtout dans son silence, l’homme de raison, l’homme limpide de nos technocraties pour que l’étrange voile de l’imaginaire renaisse, pour que de la cendre émane la déraison, la démesure, le désir infini, le dérèglement de nos mémoires – la pensée en somme…

Corons

Indifféremment la ville joint
Au ciel trouble de miroirs de vins
Un chaos de songes invisibles,
Des ardoises, diagonales, grises,

Emmurée dans la dérision,
Dans la chaume du sadique espion,
Elle aux toits de traumatisme,
Mange l’espoir au creux d’un séisme.

Née du voeu informe d’une folle
Qui soulève d’électriques emparts,
Comme les bras du squelette – carbone
Jouent avec la chair du brouillard.

Quand sabre d’un train le silence
Le nerf des cerveaux se dérange
D’ombres brûlées au rail noir
– La cité tremble, s’entend sans regard,

Quand fuient les destins d’une vapeur
Pour oublier la pendule
Qui, d’un bourg à l’autre bat l’heure,
Empalant des chiens-tentacules…

Partout des tombeaux ouverts grattent
La prostration des vies en rond,
Dessinent des scènes hagardes
De herses qui percent les raisons

Partout l’eau ruisselle, se traîne
Sur d’avides serpents de béton,
Sur les vitres grises s’égraine,
Comme des pleurs sans guérison,

Flirte avec des blocs insomniaques
De taciturnes murs de biques
Etalés en défilé d’affres,
Machouillant les cancans sadiques…

Plus haut les palabres sont beaux
Quartiers gardiens d’ouvriers
Domaines des plus apprêtés
Dessus les gangrènes de chaux

Se susurre l’opprobre aux errants,
Sous les fenêtres de rideaux blonds
Par la loi des plus beaux ciments,
Quelques évidences de raison.

Et indifféremment s’éteignent
Les égards, les phares et l’humain
Par le ciel trouble qui en vain
Cherche le sourire d’une main.

Commentaires

Les Cercles Nocturnes est la première des oeuvres de Thomas Teicher conçue avec le soin d’écriture qu’exige l’édition. Elle fut incarnée et mise en musique par Georges Boukoff, avec le concours de l’écrivain. Depuis, son désir est de publier d’autres recueils et d’en déchirer les pages sur les scènes de concert qu’il fréquente assidûment avec son groupe. L’air s’est épris de quelques chevelures/Noir sans fin, volupté d’une amnésie brève/Où gravite la couronne de respirants iris…/… Insouciante ivresse du regard pur./De Dionysos, mille feux se lèvent,/Se mêlent aux frissons faciles d’un sourire qui insiste/… Et l’aube alors s’accroche au coeur d’une saveur triste. (Les Cercles nocturnes).