SMAL Anne-Marie

Biographie

Vous pouvez prendre contact avec sa fille via les coordonnées ci-dessus.
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Née à Namur en 1929.
Humanités latines au Lycée Blanche de Namur.
Deux années de psychologie à L’institut Marie Haps à Bruxelles.
Graduat en bibiothéconomie et en documentation à l’Ecole des bibliothécaires du Brabant.

Exerce, durant trois années, en tant que bibliothécaire à la bibliothèque provinciale de Namur.
Vit à la campagne où elle a élévé trois enfants.

Ses premiers poèmes “Chants et gestes pour les croix invisibles” s’éditent chez Vermaut à Paris, en 1947.

Anne-Marie Smal est décédée à Namur dans la nuit du 21 au 22 mars 2007.

A publié sous le pseudo de Anne-Marie SCHEYVEN.

Bibliographie

  • Chants et gestes pour les croix invisibles. Paris-Bruxelles, Vermaut, 1947.
  • Ballade du sang. Cahier de Poésie, édité par André Rodenbach, mars 1950.
  • Les rives du sang. Poèmes. Bruxelles. Cahiers de l’Hippogriffe, 1952 (éditeur Gilbert Varin).
  • Poèmes sans titre (Monolithe). Dilbeek, Maison du Poète (éditeur Pierre-Louis Flouquet), 1966 (sous le nom d’Anne-Marie Scheynen).
  • Variations sur les battements du coeur. Erpent, Edito, 1984.
  • Annotations sur la lumière. Recueil de Poèmes. Namur, A l’Enseigne des Vifs, 1997 (préface de l’auteur, postface par Roger Brucher)
  • Anthologie de la poésie féminine de l’An 2000 ( Editions des, Eperonniers), Bruxelles.
  • Anthologie de la Décade (Editeur Pierre-Louis Flouquet – Bruxelles)

Inédits

  • Traduction-adaptation des Epigrammata in honorem sanctorum de Jean Pignewart, moine cistercien et théologien namurois de la fin du XVIe siècle.
  • Les songes de la rue Blondeau. Nouvelles.
    Poèmes et autres récits réalisés depuis 1997.

À consulter

  • Eric Brogniet et Marcel Hennart, Anne-Marie Smal ou la poésie unanime, dans Poésie et oralité, tome 2, Namur, Editions Sources, Maison de la Poésie Namur.
  • Dossier L, Service du Livre Luxembourgeois, Saint Hubert, 1984, Anne-Marie Smal, par Jacques Pohl, professeur honoraire de l’ULB.
  • Recensions en revues après parution des recueils.
  • Autour d’Anne-Marie Smal. L’Arbre à Paroles, 2005. ( A l’initiative de la Maison de la Poésie d’Amay)

Textes

Seuil

Votre maison est de pollen, de fleurs, d’abeilles,
d’ailes.
Ses parois, voilures transparentes,
sont, rayonnantes poussières,
les forces qui mènent les constellations, des ondes.

Que je repose un instant le front sur le seuil,
là où le rosier tremble de fleurir:
J’ai frappé à votre porte et c’était la porte du temps.

***

Comme Thomas, jadis, connut les plaies du Sauveur,
puis-je effleurer le Coeur au-delà du temps,
ce beau feu, cette présence, que les vents,
les jours d’ici me cachent?
Je m’affermirai pour toi,
pierr-étoile du gué dans l’espace.

-1982-

A SPERO

Spero, mon chien aux yeux bleuis des myosotis de l’âge
en songe envolons-nous vers la pourpre des hêtres.
Qui passe par là, passe si tard dans l’allée
parmi les corps souffrants des arbres
dont les bras gémissent et se brisent?

Entendez-vous mon chien, percevez-vous la douleur des corps
souffrants?
La grande âme animale le ressent et nous accompagne.

Mais qui passe ici si tard, Compagnon?
Est-ce une âme égarée qui appelle?
Sont-ce nos petits frères les oiseaux de la forêt proche?
Dans leur nid, ils tremblent de remonter les vents.

Le 8 mars 2005
A Jocelyne Philippart et Michel Durgtel

 

ORIOR

Les perce-neige portent une promesse.
Giboulées d’avril, elles renaissent autour du puits
proche d’un petit sous-bois au sol doux
recouvert d’aiguilles de sapin

entre rameaux et ciel,
l’âne sensible – et que les vieux disaient un peu devin –
aimait se reposer là, songer en mâchant les écorces
au bord de la margelle
encerclée des longues feuilles d’un vert transparent,
feuilles sources, corolles neige d’une blancheur infinie.

La foulée, les sabots ne les effleuraient pas

 

Quand le soleil s’avançait au travers des branches jumelles du
noyer, blondissait le linteau,
l’ancienne couturière disait “au revoir”,
s’en allait sous les arbres.
Elle se penchait sur la couronne de larmes,
émerveillée par sa lumière,
signe de la lumière en ce monde,
de la limpidité originelle.
L’âme attend ce soudain pressentiment.
La promesse de l’herbe la soutient. L’âme reprend souffle –

L’élan des floraisons répond au jaillissement des oiseaux.
Oiseaux inspirés par les astres,
illuminés par le sens, le fil brillant de leur chemin,
ils portent la chaleur du sang vivant par delà les glaciers.

L’esprit s’élève, se confie à vous, être légers.
Je m’appuie à vous, très hauts oiseaux

 

Le soir, l’obscurité soufflait dans les haies.
Tout respirait sa sombre présence.
Je cherchais le sentier de la maison sans le découvrir.
Les racines du frêne s’allongeaient à la surface
composant d’étroits espaces mais je les abandonnai,
m’enfonçais dans la fourrure des pins,
ils me retenaient, s’aggripaient à moi.
Je trébuchais sur des dalles séculaires.

Seule une enfant peut me sauver

Son pas heureux, les griffes du grand chien résonnent sur la pierre.
La main de l’enfant me remène au seuil éclairé.

Juillet 2003, à Matteo et Antoine

Commentaires

          Il nous faut garder beaucoup de respect pour ce qu’Anne-Marie Smal nous dit. Sa voix, sans y paraître, prouve une organicité d’or natif, même, si parfois, ses propagations d’écriture se lâchent sous une certaine indécision à creuser le miracle. Mais, à bien y voir, cette pulsation murmurée, cette métaphysique d’aveux et de souffle arraché de soi sont signes de vrai poète en nécessité impérieuse de soi-même.

          Le poème d’Anne-Marie Smal n’a nul lien aux écoles. Quelque chose y est sans âge. Il fait beau jeu de la connotation métaphorique, des figures, des scansions. Il est conteur, il est “chantre”. Il lui tient à coeur que “l’esprit ouvre le roc” et que “l’âme nous remonte aux yeux”.
Presque à l’insu du lire, l’écriture est, ici, flèche, mais flèche lente, spéculative, tournoyant en réseaux aléatoires de fantasmes dispersés, d’émerveillement ou de mémoire. Le discours du poète s’inspire d’intimités et d’inimitiés, de réel autant que d’appétences disloquées de vécu qui trouvent irruption dans les sinuosités contournées de l’écriture, en y protégeant une sorte d’émouvante sincérité d’élan. Le propos-poème ne faiblit pas, poursuit son trait sans fardeur, apprivoise, avec une sorte d'”allegria”‘grave, le désordre des signes-feuilles, arbres, présences d’animaux, lumière, les “voici que” et “il y eut jadis” qu’on y sous-entend. Quelque chose y règne du ton élégiaque et mystérisé d’un Milosz ou d’un de La Tour du Pin, un phrasé mettant le monde en féérie. A tel endroit aussi, dans la fixation de l’oeil au décor, le romantisme stable, lumineux, hors durée de certaines toiles de Caspar David Friedrich.

          La finalité de vitrail neutre vers laquelle tend cette écriture plane, cursive, sans aspérités connotatives, usant, sous divers tracés, d’intentions profuses et vécues, de velléités d’appel et de compassion très simplement restituées à elles-mêmes a permis, d’une certaine manière, à l’écrivaine de pacifier, sous couvert de poésie, son regard à la vie et à ses noirceurs. Qu’elle ait choisi sans se référer à personne, une facture d’expressions soumise à énonciation aveuglée autant qu’à sobre sincérité, fait, d’Anne-Marie Smal, une très particulière mémorialiste de soi par le rêve et, de ses annotations célébrantes, de précieux et singuliers espaces de transparence et de vérité.

                                                         ROGER BRUCHER