Le veilleur
J'ai changé. Je n'ai plus le même souffle à l'âme,
Je ne me brûle plus la gorge aux mots ardents.
Je ne suis plus celui qui se dresse et qui clame
Qu'il chante le plus haut sans desserrer les dents.
Mon Dieu, qu'ai-je donc fait pour en arriver là?
Que faut-il que je paye avant de m'en aller?
Le printemps noir de mars compte sur ses lilas
Où les oiseaux nouveaux viendront se quereller.
Qu'ai-je donc fait, mon Dieu? N'est-il que passager
Ce goût que prend ma bouche à l'odeur de l'agile?
Ce coeur qui se souvient d'avoir été léger,
Pourquoi son battement est-il presque inutile?
C'est peut-être le don rarement consenti,
Ce pouvoir d'être ici en même temps qu'ailleurs,
Cette âme au ciel déjà, ce corps appesanti
Et ce mal nuit et jour en vous, comme un veilleur.