ROOSE Marie-Clotilde

Biographie

Née à Bruxelles en 1970. A donné naissance à son plus beau poème : Emmanuel. Enseigne actuellement la philosophie et la sociologie de l’art en Province de Hainaut. Thèse présentée à Lyon 3 sous la direction de Jean-Jacques Wunenburger : ” Désir d’être et parole poétique. De la tentative phénoménologique à la tentation métaphysique “, Prix Charles Plisnier 2006. Animatrice du Cercle de la Rotonde, favorisant la rencontre entre auteurs débutant et confirmés, au Théâtre-Poème à Bruxelles, en partenariat avec la Maison du Livre de Bruxelles. Publie des articles culturels, de critique littéraire ou philosophique, des poèmes,…Nombreuses parutions en anthologies, dont Les nouveaux poètes francophones, de Jean-Luc Favre et Matthias Vincenot (Ed. Jean-Pierre Huguet, 2004), L’année poétique 2005 (Seghers), Poètes aujourd’hui et La nouvelle poésie française de Belgique (Liliane Wouters et Yves Namur, Le Taillis Pré, 2007 et 2009). A pratiqué aussi le chant et l’écriture radiophonique (docu-fictions pour France-Culture).

Bibliographie

Recueils

  • L’orange soleil. Amay : L’Arbre à paroles, 1994.
  • Le mur immense de la nuit. Paris : Caractères, 1994.
  • Les chemins de patience. Brandes, 2004.
  • Tourment. Châtelineau, Le Taillis Pré, 2005.
  • Le poème quotidien, Les Déjeuners sur l’herbe, 2014.

Publications en revues : Le Journal des Poètes, Sources, L’Arbre à paroles, Sud, Lieux d’Etre, Le Cercle de la Rotonde, MUZE (Kent County Council), Les Messagères du poème (Paris), L’indicible frontière

Anthologies : Belgian Women Poets : an anthology (Renée Linkhorn et Judy Cochran, Peter Lang Publishing, New York, 1999), Le siècle des femmes de Liliane Wouters et Yves Namur (Ed. Les Eperonniers, 2000), Les nouveaux poètes francophones, anthologie de Jean-Luc Favre et Matthias Vincenot (Ed. Jean-Pierre Huguet, 2004), Anthologie des lettres belges (à partir de 1940) traduite et éditée en Hongrie (à Budapest), C’est pas tout rose et violette du Concours Tec-Criac 2002, à Lens, J’appelle un mot d’Unimuse, Tournai 2003.

Préface de la monographie du peintre Lode Keustermans, Le Cantique des Cantiques (1990).

Prix littéraires

Prix Georges Lockem de l’Académie Royale pour L’Instant vert (1991); Prix Charles de Trooz (U.C.L.) pour L’orange soleil (1991); Prix de la Biennale Robert Goffin pour De feu et de froid (1996); Prix international René Lyr pour Les chemins de patience (1999); Aide du Fonds national de littérature de l’Académie Royale et Prix Geneviève Grand’Ry pour Les chemins de patience (2000). Lauréate du concours RTBF-Hainaut « Un auteur… une voix » (2001); Prix Hubert Krains pour Tourment (2004).

Textes

 

L’amour est un dieu
qui nous tient hors d’haleine
par
l’inexorable attente
d’être
unis à sa lumière
infiniment à soi
à ce qui n’est pas soi
à ce qui est l’amour
à la perte de soi
éblouissant soleil
                 qui apparaît
qui s’efface
comme s’il était possible
que l’être s’évanouît
dans l’éclipse aveuglante
de notre existence
Notre intime errance
vient de là :
nous courons
derrière le messager
ne pouvant plus
tolérer l’absence
ce dieu qui fuit
nous essouffle
la perte immense
laisse entièrement
nu
même le mot
démuni
est trop pauvre
Pourquoi cette douleur
pourquoi rester au bord
de ce qui veut être
approché ?
Est-ce : miroir de l’eau ?
Est-ce : reflet du feu ?
(Le papillon l’ignore)
Mais l’on voudrait saisir
et pénétrer
le centre de cet Œil
amoureuse pupille
qui sait.
Je crois que le poème va venir.
Il murmure dans l’obscur, l’infirme
vacuité. Il boite, il claudique
entre le vide et l’être.
Il cherche ma langue.
Ma langue est sa béquille.
Et s’il l’attrape, il hoquète de rire.
Tellement cette marche
est bizarre. Ne trouvez-vous pas ?
Le pli de la musique
se défait.
L’intense solitude
se délie par petites
lampées.
Mes mains se mettent à
battre la mesure
celle de mon pas
le long des châtaigniers
et des feuilles mortes.
J’absorbe le silence
par tous leurs pores
et la lumière automnale
gicle.
Un concerto se joue
à l’insu de tous.
Ils ont cinq à six bras
et dix fois plus de mains
qui les portent au-delà
de leur propre venue.
Le ciel est leur espace,
la terre, leur nourriture.
Aux dieux ils s’apparentent
parfois millénaires.
Toutefois c’est à nous
qu’ils ressemblent le plus :
au croisement vertical
de la sève et de l’air
leur essence nous remue
voués, comme nous
à l’élan retenu.
Ce corps latent dans l’ombre
En l’ombre : la bouche et le rêve
L’embouchure de la mer et du ciel
Un corps qui n’en peut plus d’attendre
Qui attend dans l’ombre de la joie
Source d’énergie diffuse, épure
Corps dessiné à même le lit
L’audace couchée dans la vallée
La rivière coule et inonde la mer
Corps qui n’en finit pas d’attendre
Heureux et tacheté, gouttes scintillantes
Au présent la pénombre allumée
Elle me dépossède.
Il paraît que la terre est chaude
qu’elle abrite tous les êtres
en les renouvelant.
Je m’abandonne à elle.
Mais si je suis le grain
pétri par ses mains tièdes
ai-je jamais été
à moi-même donné ?
D’une paume je viens,
à cette paume vais.
Marche dans l’obscurité.
Toute cette beauté que je veux dire,
je n’en ai pas écrit une ligne.
Elle se tient dans la profusion,
la faille et l’espérance.
On la guette au détour des chemins.
Parfois, elle apparaît, nu-tête
et secoue sa lumière.
Marie-Clotilde ROOSE
La plupart de ces poèmes sont tirés du recueil Tourment, paru en 2005 au Taillis Pré.

Commentaires

Extraits de lettres d’auteurs
à la lecture des recueils de M.-C. Roose
L’orange soleil
« Tu poses des questions qui vont plus loin que les chants d’oiseaux – des questions rauques. Tu cherches une issue, tu cherches le soleil, « l’appel à être ». Cet appel est déjà un acte d’amour. Ta poésie est forte ; tu ne te contentes pas d’un à peu près. L’orange soleil : petit missel initiatique. »
Anne-Marie Derèse, Poète
Le mur immense de la nuit
« C’est, avant tout, votre audace tranquille d’oser aborder d’emblée, et sans vaine littérature, les sujets essentiels que sont, par exemple, la mort ou l’expérience de la solitude, y apportant une résonance, un accent très personnels. Une certaine froideur d’expression qui n’est ni exempte de feu, ni de passion contenue, un laconisme aussi qui renforce le poids des mots et les rend incontournables. C’est un art instinctif à éluder toute superfluité que je vous souhaite de conserver, car il est un gage de votre authenticité. »
André Gascht, Critique
« Je suis très touchée par ces poèmes traversés par l’absence douloureuse, la mort, le silence – et habités en même temps par un profond désir d’être, de vivre…, de ‘jouir de la simple vague’ qui passe, à l’instant, irremplaçable et porteuse de lumière. »
Hélène Dorion, Poète
« Merci pour la beauté de votre écriture. Elle est belle parce que juste – les mots y sont comme de la pierre fatiguée par de l’eau : exténués et transparents. Le ton y est grave, le cœur est plus qu’à demi assombri et curieusement, c’est une joie qui sort de cette lecture, une force neuve. Oui, vraiment, merci. »
Christian Bobin, Ecrivain
Les Chemins de patience
« Tu allies l’économie à la lisibilité, dans Les chemins de patience.
‘Un geste qui me ressemble : cognant au bois’. Pudeur.  Emotion. Merci. »
Caroline Lamarche, Ecrivain (17 avril 2004)
« J’ai beaucoup de chance de lire vos Chemins de patience.  (…) j’y trouve moi une telle lumière. D’éclatante vie, parfois tranchante mais si juste. Voilà, ça touche au vif, ça ‘cogne au bois’… de ce que nous sommes.
Je connais (déjà) un poème par cœur. Votre livre m’accompagne dans mon cartable de philosophe et de semaine. Entre deux cours ou ici, à la maison, je l’ouvre. (…)
Vous dites, ‘fragments d’existence’. Fragments qui ont le bon format de la densité et cette justesse décisive. Des sons, des mots, de la ponctuation. Enfin ces images flottantes et qui pourtant résistent. Inexplicables, comme la sensation d’être au monde. Nul besoin de dire plus. J’aime cette passivité de l’accueil, si active, si mobile. »
Marie-Noëlle Agniau (24 mars 2004)
Poète, philosophe, collaboratrice de « L’indicible frontière » à Limoges.
« Que de belles surprises, en coupant les pages de votre livre! Merci. Poursuivez sur ces chemins de patience. Et travaillez. Et si on vous dérange, faites comme le ciel. Il ne répond pas, il s’occupe de ses nuages. »
Yves Bonnefoy, Poète et essayiste (23 avril 2004)
« J’ai suivi avec beaucoup de plaisir les traces de ces Chemins de patience, en craignant parfois, mais à tort, d’en effacer certaines tant elles sont délicates, subtiles, du moins en apparence. Car en réalité si elles tendent un fil ténu du jour au jour, de la nuit à la nuit, il est d’une secrète fermeté qui ne se laisse pas prendre aux jeux faciles des reflets (…)
Ces traces ont le rare mérite de n’être en rien ‘fabriquées’, mais d’une vérité si naturelle que le regard les parcourt vers des régions d’une profondeur dès l’abord insoupçonnées. »
Fernand Verhesen, Poète, traducteur (23 avril 2004)
« Vous ne dormez pas, vous, tandis que les signes passent, vous adhérez parfois avec la pensée première.  Je le dis avec vos mots, car je le pense sincèrement. Des formules comme ‘des paumes/ vastes comme des oiseaux’, ‘tu habites à nouveau ta vie’, ‘le ciel ne répond pas/ il s’occupe de ses nuages’, sont bien plus que des découvertes verbales, elles ouvrent à un monde pur et sans emphase, où on respire enfin. »
André Sempoux, Ecrivain (5 mai 2004)
« Toute l’attention à un livre tient souvent aux ‘raisonnances’ qu’il avance, et qui nous tiennent dans une attention comme s’il s’agissait de sa propre expérience. C’est là que nous sommes touchés, et là que nous adhérons à l’autre avec l’infinitude qui nous tient. Et s’il est nécessaire de dire cette attention éveillée, je citerais ces quelques vers : ‘J’approche lentement / par strates / avec l’inquiétude émerveillée / de voir reculer / ce qui s’avance’. Pour ces vers et pour bien d’autres, je tenais à te remercier. »
Pierre-Yves Soucy, Poète, éditeur (29 mai 2004)
« Tu arrives par moments à faire qu’un poème soit un être vivant avec son caractère propre. C’est cela la création poétique. On y arrive rarement. Mais c’est ce qu’il faut viser. (…) Il y a dans ta poésie une Pensée, la tienne ; c’est très rare aujourd’hui. Des accents rilkéens. Une pensée proprement poétique (ni science, ni philosophie, ni religion). Chez toi sonatinent les notes de silence, des pauses parlantes, qui résonnent dans l’Ouvert. »
Philippe Lekeuche, Poète (10 juin 2004)
« Les chemins de patience – ton meilleur recueil. Plus que jamais j’y trouve une essence toute particulière qui me parle beaucoup, une ouverture vers une clarté transparente ; je l’aime beaucoup. »
Israël Eliraz,  Poète et dramaturge (14 août 2004)
« Merci pour cette patience dont il a fallu emprunter le chemin. Evidemment, je reprends un peu votre titre : votre recueil, je l’ai parcouru et reparcouru, et j’ai rêvé dessus, dans une rêverie qui rappelle tout-à-fait celles de Bachelard, et ce chemin de patience s’est fait chemin de lumière. »
Gaston Compère, Ecrivain et compositeur (12 décembre 2004)