RAVET Léon

Biographie

1879-1950

Bibliographie

  • Le rêve passe
  • Bruyères mauves et genêts d' or
  • Bleuets bleus et liserons d' argent

Textes

La vielle maison

Dans un coin de l' Ardenne il est une maison;
( Pas celle où je suis né, celle où je t' ai connue )
Une maison petite et vielle et triste et nue
Et qui semble accrochée au sein des frondaisons.

Telle une vielle assise au bord de la grand'route
Et qui s' endort, elle a clos ses volets déjà;
On dirait qu' elle attend quelqu' un qui ne vient pas,
Qu'elle a peur d' être seule au soir, ou qu' elle écoute.

Je la revois parfois comme elle était jadis
Quand le soleil voguant sur la cime des hêtres
Entrait l' odeur des pins avec l' odeur des lys.

Y penses-tu parfois aussi, toi qui fut l' âme
De ce jardin béni ? La fleur de tes vingt ans
En ornait les saisons. Puis quand vint le printemps,
Dans l' herbe haute et molle un soir, nous nous aimâmes.

Mais après l' amour vient la moisson de l' effort
Et puis plus tard viendra tout au bout de l' étape
Le repos désiré ; le moment où la grappe
Trop lourde sent fléchir peu à peu le support.

Gardons cette maison de solitude heureuse
Embaumée et fleurie où vient rêver le vent ;
Il y clame parfois aussi mais pas souvent
Sa colère aux sapins de la forêt houleuse.

Et quand viendra le froid, ce froid qui fait blanchir
Lentement les cheveux, nous reviendrons vers elle,
Et pressentant l' orage, ainsi que l' hirondelle
Nous rentrerons ensemble, au nid pour y mourir.