POURTOIS Michel

Biographie

Michel Pourtois est né à La Louvière en 1931.

Il est docteur en médecine, agrégé de l’enseignement supérieur (Ph.D.) et professeur honoraire à la faculté de médecine de l’ULB.

Comme médecin et chercheur, il a séjourné et travaillé en Afrique (1957-1958) et aux Etats-Unis (1962-1967).

Le premier segment de siècle où il chemine, l’a confronté et l’a mêlé à des épisodes historiques bouleversants et brutaux : 2ème guerre mondiale ; décolonisation du Congo ; Guerre d’Algérie ; guerre du Viêt-Nam et mouvement des Civil Rights aux USA…

En Belgique, il fut longtemps secrétaire d’un cercle d’éducation populaire (CEP) animé notamment par le juriste et critique d’art Bob Claessens. Il fut membre actif du Groupe d’Études pour une Réforme de la Médecine (GERM), animé par les docteurs Henri Cleempoel et Willy Peers.

Il est l’auteur d’une soixantaine d’articles et travaux scientifiques publiés dans la presse spécialisée.

Bibliographie

Poèmes :

  • L’Histoire s’arrête à Scheldovery, Ed. Lune d’Or, Lasne, 2007

  • Invention du Monde – poèmes, Ed. Lune d’Or, Lasne, 2007.

  • Crédits et Légendes – poèmes, Ed. Lune d’Or, Lasne, 2009.

  •  Métiers et tourments – contrepoint, Ed. Lune d’Or, Lasne, 2007. Ill. R. Cleeremans.

  • Promenades en Chanaan, Ed. Lune d’Or, Lasne, 2009. Ill. R. Cleeremans.

  • Rouge Lilas – poèmes, Ed. Lune d’Or, Lasne, 2009.

Romans, contes, théâtre :

  •  Le terré du Renard  (roman) éd. Amalthée

  • Inculpation du Siècle et d’un Bouquet d’Anémones (roman) éd. Atm

  • Présentation de Ralph Cleeremans  (monographie du peintre flamand R.Cleeremans)

  • Questions perdues” (théâtre)

  • La Peau du Serpent” (théâtre)

  • Une Fille dans le Vent (roman – théâtre)

  • La rédemption de Samuel O (théâtre)

  • Nouvelles de personne (contes)

 

Textes

Le physicien

Par de subtils recours aux nombres le physicien s’est envolé, escomptant l’heureuse rencontre dans l’ailleurs, d’un démon caché.   Les champs qu’il survole s’étendent autour des astres aimantés, comme des mers phosphorescentes où croisent des vaisseaux hantés.   Les lois qu’il formule accueillent les traces d’incidents anciens, et dans la nuit ce roi aveugle hume l’odeur de ses jardins.

Extrait de Métiers et tourments, 2007.

 

Premier livre de Samuel. 9 25-26

Ils descendirent du haut lieu de la ville. Samuel parla avec Saül sur la terrasse. Ils se levèrent tôt.

Allons déjeuner café brioche. Allons ensemble écouter le vent. La mer et les vaisseaux sont proches, de nos mémoires d’enfant. Les années sont à l’ouvrage. Le boulanger a parfumé de sel et d’origan le pain béni que Samuel et Saül partagent.   D’un pas solennel, Mulligan sur la terrasse de tir dit : « Introïbo ad altare dei »   Tout est feu, tout irradie. Et sur leurs fronts, anticipées les flammes noires de l’épopée. Allons déjeuner café brioche. Allons ensemble écouter le vent. La mer et les vaisseaux sont proches, de nos mémoires d’enfant.

Extrait de Promenades en Chanaan, 2009.

 

Météore

pour Axel Cleeremans

Pigeon vole. Tournez les mains. Nouez les voix et les intrigues enfants, comme l’oiseau navigue. Vol battu d’ici et d’ailleurs, vol soutenu du voyageur…   pigeon… Mais elle, mais aussi l’hirondelle, la désirée. Au défi de vents et risées, vols planés, poursuites cursives. Quel dieu navigateur pointera dans l’instant ses azimuts et ses dérives ?   Cependant qu’elle exulte, à soi-même accordée, Elle invente la joie, la lumière de l’ange. Les ombres des greniers et les pourpres des granges ouvrent des baies secrètes à son poème d’or. La conscience est le plus brillant des météores que l’autre né de soi réjouit et dévore.

Extrait de Rouge Lilas, 2009.

 

Primevère

Forêt des heures, profusion de patience, qu’offriras-tu, ô quelle image d’elle, aux rayons obliques du ciel ?   Quelle fétidité moins triste, le rythme lent de tes silences fera-t-il monter de terre ?   Mère aveugle, connais la gloire enfin, le cri de Primevère,  l’aveu soudain de ta mémoire.   Poème inédit, 2010.

Commentaires

L’Histoire s’arrête à Scheldovery (roman)

Note de lecture par Anne Santiago (2007)

Plus d’une quinzaine de personnages singuliers forment un tableau vivant et composite de la société des années septante. Quelques-uns d’entre eux, Melchior Münt (historien – philosophe), Ligia Coelis sa compagne, sont tentés de répondre aux sollicitations des prophètes de la guérilla urbaine : Rudy Dutchke, Ulrike Meinhof… Les décisions qu’ils prennent, les transgressions légales et morales dont ils se rendent responsables ressortissent aux circonstances politiques de leur temps; elles obéissent tout aussi bien aux nécessités du récit. On songe à Roger Martin du Gard ; aux enquêtes romancées de Sciascia… les héros sont présentés sans intention d’apologie ou d’anathème, dégagés de toute intention édifiante. Sont-ils libres pour autant ? L’idée d’un destin contraignant les hante, mais elle est mise en procès.

Comme dans le cas des marionnettes japonaises, la convention narrative est dévoilée. Les opérateurs sont présents sur scène. Ainsi accompagnent-ils les personnages plus qu’ils ne les manoeuvrent. Qui sont-ils ? (1°) un agent retraité des services secrets : l’écriveur s’exprimant à la première personne ; (2°) le même, rétrogradé à la troisième personne et conséquemment plus discret ; (3°) l’éditeur du livre : M. Saint-Esprit, tel qu’en lui-même son nom dérisoirement le change.

Étrange trinité, passablement contradictoire et fluctuante. La fable classique du démiurge serein et unique, est abandonnée. En revanche, les personnages escortés par l’écriveur vivent, doutent et espèrent – peut-être même nous ressemblent-ils. Ni l’éditeur Saint-Esprit, ni la machinerie romanesque ne les empêchent d’exister même si, (et peut-être parce que) l’inquiétude les tenaille, d’avoir été fourvoyés  :

Ligia : “ Cette vie n’est pas la mienne. Autre chose devait arriver. Cela m’a été volé. ” .

Melchior : “Un démon que je n’ai pas encore identifié me tourmente et me presse de rechercher un asile philosophique. Il pourrait s’agir de brûlure, de tisons séquestrés dans ma mémoire.”

La recherche du sens de leurs vies, est une pâle bougie dont ils promènent la lueur dans le dédale souterrain des émotions et des comportements. Au dehors, cette quête se heurte et s’écrase sur l’inquiétante réalité du monde : échos lancinants des guerres coloniales ; société de consommation en train d’imposer ses iniquités sociales, ses subornations, son conformisme médiatique. Melchior tient pour légitime le mot d’ordre vengeur : “violence contre les violents !” Avec Ligia ils émigrent dans cette Allemagne alors en plein trouble de conscience, rencontrent des militants écœurés par l’héritage nazi.

La Röte Armée Fraktion du terroriste Andreas Baader fait trembler la République Fédérale. Ligia et Melchior vont-ils franchir le pas ?

La partie se resserre. La raison et la foi des protagonistes se délitent et sombrent. Après la mort violente de sa femme, un sentiment de culpabilité obsède l’historien et l’hallucine.

Que peut alors l’agent de Sûreté, que peut le commanditaire du livre (que pourrions-nous nous-mêmes ?), pour pallier un dénouement haïssable ? L’appareil narratif fait marche arrière. La trinité accorde à ses créatures le bénéfice d’un remake et la maîtrise enfin totale de leurs rôles…

Mais en quels lieux désormais ? Mais en quels temps ?

Sitôt l’écriveur congédié, le roman retrouve l’antique nature des contes. On attendait la liberté, c’est le destin qui revient en force. Le mythe de la deuxième chance s’évanouit dans une marche au souvenir. L’amour s’échange pour une infinie nostalgie. La ville mythique de Scheldovery s’enfonce dans la mer.

Cadre à la fois réaliste et fantastique. À la manière des nordiques : Klinger, Lagerlöf, Maeterlinck…