MORELLE Bernadette

Biographie

« Je suis une fille de Namur. Nous vivions Boulevard de Merckem, dans une maison qui a été détruite au profit des bâtiments jouxtant la nouvelle gare. Ma grand-mère Nelly Roba m’emmenait toute petite rue de Bomel ou au long de la Sambre dont le flux, m’attirant par trop, me donnait le vertige. Chez notre autre grand-mère, à Profondeville, nous nous retrouvions entre cousins, en nombre. Que je suis fière de cette ville que j’appelle “Petit Paris” ! En ce temps de mon enfance, la passerelle qui nous menait vers le centre de la ville scintillait des mille éclats de verre composant ses pavés. J’adorais ces miroitements dans la nuit. Le bonheur était simple. Aux soirs de Noël, mon père nous demandait de choisir un jouet pour les orphelins. Il disparaissait dans le soir aussitôt. Je me souviens bien sûr de la ferveur magique des grandes orgues de l’église des Rédemptoristes où mon père m’emmenait certains dimanches. Et j’ai toujours adoré la statue du cheval Bayard ! Je suis diplômée des Beaux-Arts de Bruxelles et ai un diplôme d’aptitude pédagogique. J’ai brièvement travaillé comme journaliste. J’ai chanté certains de mes poèmes. »

Textes

PENSER POUR CEUX …

Pour ceux qu’on dessèche en trichant sur leur sort
Inversant leurs propos pour permettre leur mort
Pour ceux dont le sort reste indifférent
A l’ordre du monde qui pille et qui ment
Pour ceux qui attendent sans fin en prison
Quelqu’un qui leur rendrait le droit à la raison
Pour ceux dont les enfants ne comprennent pas
L’éloignement forcé sur la longueur des mois
Pour ceux qui veulent bondir au-delà de la peur
Mais dont les tortionnaires ont mouliné le cœur
Pour ceux qui s’éveillent en sursaut hors d’haleine
Neurones torpillés aux marées noires des haines
Pour tous ceux qui voient le monde à l’envers
Dans la progression inexorable des pervers
Pour ceux qui encore donnent autant qu’ils ont perdu
Pour le geste superbe et jamais reconnu
Ceux qui n’ont plus la force et marchent quand même
Pour qui les mots sont morts, surtout les « je t’aime »
Pour ceux qui courent comme des fous contre le temps
Pour les plus dérisoires mais qui sauvent des enfants
Pour les ennemis de la mesure et de la gloire
Ou des grosses voitures noires hantées de pétoires
Pour les ennemis de l’argent à tout crin
Qui pensent que consommer c’est comme voler du pain
Pour les très petits, les grands derniers de classe
Qui savent qu’ils sont plus doux que ceux qui les dépassent
Pour les nouveaux misérables qui ne croient plus en rien
Ceux dont l’âme a servi de tremplin aux requins
Ceux qui s’effondrent sans un traître murmure
Mais que tout a trahis pour honorer l’usure
Pour ceux qui ont aimé quand l’amour était mort
Pour qui l’espoir n’était que le dernier effort
Pour ceux qui en silence ensemencent le désert
Et qui jamais ne posséderont un coin de terre
Pour ceux dont le sourire n’a pas de lendemain
Mais à bout de souffrir qui renaissent sans fin
Pour ceux qui savent qu’avoir n’est jamais qu’un début
Qu’après, il faut donner, être riche d’être nu
Pour ceux qui prouvent que vivre est triompher de soi
Refusent aux violents d’accéder à leur moi
Pour les plus paisibles et les plus généreux
Enviés, brisés par les calculateurs odieux
Pour ceux qui inquiètent les normalisateurs
Et ceux dont le pouvoir n’enflamme pas le cœur
Pour les frères séparés par une propagande
Les sœurs aliénées au commerce des gangs
Pour nulle part de la chance sur une terre si belle
Pour la révolte amère, ses sévères séquelles
Pour ceux qui sans raison, ni maison, ni courage
Mettent un pied devant l’autre comme avancent les nuages
Pour ceux dont la foi n’a pas pu résister
Sans drapeau ni slogan et qu’on a effacés
Pour les victimes des grandes soustractions
Et trompés de partout qui ont perdu leur nom
Pour les malades cloués sur des lits éternels
Les animaux avec des boulons dans la cervelle
Pour que l’homme ne soit plus jamais la bête immonde
Le loup pour l’autre et le poseur de bombes
Qu’on ne sacrifie plus jamais sur des autels
Cachant soigneusement nos manœuvres cruelles
Pour toi enfin, l’enfant, pour que tu ne retiennes
Que la part douce en toi, que ta part aérienne !
20 JUIN 2010
*
SI L’AMOUR
Si l’amour s’écrit dans la neige
il va fondre et disparaître
s’il tourne comme un manège
il va déménager et sembler traître
s’il a les ailes d’un oiseau
ce n’est pas seulement pour aller plus haut
Pour t’approcher, je baisse les yeux
pour t’étourdir, j’essaye de m’aimer mieux
pour t’envelopper, j’embellis le monde
pour te garder, je suis désarmée
pour te protéger, je deviens la lune
pour te libérer, je lâche toutes mes plumes
Si l’amour est un mensonge
il faut passer l’éponge
si l’amour est un chagrin
faut le consoler bien
si l’amour est impossible
alors, peu importe sa cible
Si l’amour s’est écrit en moi c’est en me ravageant
si l’amour m’a faite un peu meilleure c’est en me volant
peut-être ne peux-tu vivre qu’en dépossédant
sur des fils suspendus et en faisant l’enfant
peut-être n’es-tu heureux qu’à contre-courant
tiraillé, soulevé, rendu presque béant
refusant d’être reconnu et donné et perdu
alors que moi j’ai terre au ciel pour toi tout dévêtu