MATHEN Denis

Bord de Sambre extrait de Vagues érotomaniaques.

Dans les allées de nos espoirs Et sur l’étang des temps passés A rechercher au gré de l’eau Le cours promis au désespoir Des voix sonnantes et des sanglots ;   Quand la défaite triche en silence Et que les veules ou les féroces Marchent de concert sur l’existence De nos passions et joies précoces ;   Sur les lueurs des courants sombres Où d’autres se bousculent, Aux ambitions que l’on dénombre Dans les détours de froids calculs ;   As-tu pensé aux rues de Londres, Où le temps coule et coule encore Pendant qu’ailleurs nos vies s’effondrent En faux bonheurs et tristes sorts?   C’est pourtant là, couvert d’orage, Quand tout s’envole et s’évapore, Des rêves, des peines et de nos rages Que l’on revit d’un amour fort. 

Vendredi

Namur succombe aux embrassades
Les lettres d’ or sur ses façades
Réveillent nos fantômes ; le peket coule.
Dans les quartiers, les gars roucoulent.
Les fêtes résonnent.

Mensonges délicieux qui dérident les mânes, musiques odorantes qui décoincent les corps, aumônes discrètes qui déverrouillent les poches.
Molons de toujours : cet équipage étrange de hauts-de-forme bizarres et plastrons singuliers sur des costards d’ azur.
Vos mirlitons sifflotent d’ un air nasillard qui agite les pantins, secoue les xylophones et fait tinter les cloches.
Vous riez aux éclats de ces sons étonnants de turlurettes d’ argent et vagues tambourins qui battent la mesure.

A la manière d’un jeu de piste, d’ épitaphes en potales,
Saynettes et comptines invoquent les gloires locales.
Au gré des épigraphes l’ histoire pour nous défile,
Vous glissant au passage : ” Vois-tu comme le temps file ? ”

Quand les canons seront froids,
Que les clairons se seront tus,
J’aimerais, moi parfois…
Ou une fois, rien qu’une seule,
Fumer avec vous,
Assis sur une meule,
Le tabac de chez nous,
Les deux pieds dévêtus.

Des grains mûris et broyés dans les presses,
S’envolera ce jus qui cent fois vous grisera,
Sur les eaux de la Sambre qui partagent la maîtresse
De ce culte païen qui un jour se brisera
Comme une fiole trop pleine d’ un alcool qui rend fou,
Sur les quais d’ Outre-Meuse, les soirs du mois d’août.

extrait de Instantanés… d’un autre temps