MASSON Jean-Claude

Biographie

Poète, critique et traducteur de plus de vingt-cinq ouvrages de l’espagnol et du portugais (Octavio Paz, Baltasar Gracian, Juan Marsé, José Cardoso Pires, Carlos Fuentes, Julio Cortázar, Gabriel García Márquez, sainte Thérèse d’Avila, Fernando Pessoa, Macedonio Fernández, Roberto Juarroz, Homero Aridjis…). Termine actuellement l’édition de l’œuvre poétique d’Octavio Paz dans la Bibliothèque de la Pléiade (Gallimard).

Né à Jupille (Liège, Belgique) en 1950. Humanités classiques, études supérieures de philologie. Thèse de fin d’études : « Poisson soluble d’André Breton : essai de psychocritique » (1974). Agrégé de l’enseignement secondaire supérieur (1975). D’abord professeur de latin, grec, français et esthétique dans l’enseignement secondaire (1975-1977), puis chargé de recherches en pédagogie au Centre de psychologie sociale de l’Université de Liège (1979). Enseignant bénévole de français en milieu de travailleurs immigrés italiens (1980). Abandonne l’enseignement pour se consacrer à l’écriture (poésie et critique) et à la traduction littéraire (de l’espagnol et du portugais). Traducteur d’Octavio Paz pour les Éditions Gallimard depuis 1979. Vit à Paris depuis 1986.

Lauréat du Prix de traduction littéraire de la Fondation Guy-Lévis-Mano (Paris).

Collabore régulièrement à diverses revues de Belgique, d’Espagne, de France, d’Italie et du Mexique; notamment : La Nouvelle Revue française, Esprit, Lettre internationale, Europe, L’Express, Poésie, Cahiers internationaux de Symbolisme, L’Alphée, Cuyadernos Hispanoamercicanos (Madrid), Anterem (Vérone), STILB (Rome), Vuelta (Mexico).

Bibliographie

  •  Incursions fantomatiques en Orient et en Amérique, Éditions Garamond, 2003.
  • Les Chats du Père-Lachaise, Éditions Garamond, 2000.
  • Les Saisons brûlées : tombeaux pour un siècle, Éditions Garamond, 1999.
  • Le Chantimane, poèmes, Éditions du GREF, 1997.
  • Cent Ans de littérature en Espagne, Éditions Labor, 1995.
  • Deux Poèmes chiffrés, un sonnet crypté, André Biren, 1995.
  • Le Testament du printemps, Gallimard, 1991.

Textes

Le Testament du printemps (extrait)

Nous n'avions pas vingt ans, mais vingt ans ont passé :
le temps n'a qu'une parole. Ce sont les idées
qui ne jouent pas franc jeu : elles démentent,
l'une après l'autre, leur impossible promesse.
Grandir, c'est déjouer leur complot, une tâche
sans fin. Nous n'avons pas trahi le sens;
l'histoire trame le doute. Nos passions,
à chaque épiphanie, confirment la sentence :
entre Eden et l'enfer, il n'est qu'un interstice.
Revenir au jardin, c'est dénombrer les morts;
même le vieux sapin païen avait brûlé de pied en cap.
Le printemps seul n'a cure de mourir :
il faut apprendre à mériter l'exil.

Commentaires

« Avez-vous vu ces hommes qui refusent l’effet, qu’on voit entrer au bistrot, chez l’épicier, traverser la rue, acc0mplir les gestes de tout le monde, sans manifestation particulière, et dont cependant la présence vous est tout à coup instantanément précieuse, parfois même exceptionnelle ? Ils sont comme les “sas” d’un dialogue permanent entre des horizons sourds, entre des silences subis, et l’on sait rien qu’à les voir, qu’ils vivent, qu’ils ressentent tout, tel quel et intensément.

Les poèmes de Jean-Claude Masson ressemblent à ce que je viens de dire. À cet homme du Nord, le Nord a donné cette sorte de pudeur à la longue foulée, et la poésie le suit. “Dans mon pays, dit-il, on appelle un homme ivre Soleil. ” Et puis ailleurs : “Vu d’avion, le Gange dessine un rosaire…” Ainsi passe un regard solide, sensible, sur l’au-jour-le-jour, il le ressent comme une valeur forte, il le prend et l’assume en homme d’appétit. Avec une sorte de magnanimité dont il n’a peut-être pas conscience. On a l’impression qu’il n’enferme pas sa poésie dans les mots, qu’il ne se sert d’eux que pour la montrer livre, telle qu’elle est, partout présente, — un peu, beaucoup — dans le minerai du monde. »

Colette Seghers, Poésie 84, no 3, mai-juin 1984, p. 115-116.


« Certains poètes font entendre comme une rumeur de langues en marche. Jean-Claude est de ceux-là. […] Les points de fuite de la perspective “Toi qui pâlis au nom de Vancouver”, écrivait Thiry — nous entraîneront autant en nous-mêmes qu’à travers le monde. Qu’est-ce que mourir, sinon passer derrière la ligne d’horizon ? Tout est en place. Quelle solitude, quelle arlequinade, quel drame nous attendent ? Que ce soit à Liège ou à Bangui, aux îles sous le Vent ou à la Villette, ausculter le temps, c’est écouter en soi l’inexorable horloge. […] Les poèmes seraient-ils autant de paroles enregistrées dans la chambre d’échos de l’imaginaire de la réalité en chaque homme ? Chez Jean-Claude Masson en particulier, qui est la vie même, forces et appels, patiente et opiniâtre poursuite ? […] Pour un remembrement du cœur, “Toute la misère tout l’amour du monde”, Jean-Claude Masson nous les propose comme un jeu de miroirs de solidaire itinérant. »

Pierre Seghers, « Solidaire itinérant », dans Sept Poètes en quarantaine (Bruxelles, Éditions de la Louve, 1985), p. 91-93.


« Voici donc un poème de mille vers, un livre qui risque de faire scandale, dans le bon sens. D’abord parce qu’il s’agit d’un poème de “formation” ; ensuite parce qu’on y trouve un poète rompu aux subtilités propres au genre, où les idées et les sons se répondent, les mots se trouvant reliés entre eux par répétitions ou équivalences de temps, sans qu’un seul puisse être déplacé une fois le vers composé. »

Hector Bianciotti, « L’enfance d’un poète» , Le Monde, 26 juill. 1991 (à propos du Testament du printemps).


« “Chantimane ” est un mot anglais d’origine française que Jean-Claude Masson a voulu refranciser et qui désignait le marin qui entraînait l’équipage en chantant, en particulier lors des manœuvres les plus rudes et les plus pénibles, une métaphore du poète. »

Judith Beaulieu, L’Express de Toronto, 21-27 avril 1998 (à propos du Chantimane).


« Les 91 poèmes qui composent le livre de Jean-Claude Masson évoquent l e destin de 91 poètes de ce siècle qui expire, un destin qui condense l’histoire de l’Europe et de l’Amérique et les tempêtes qui l’ont frappée. Comme le dit un de ces poèmes centrés sur le Ruben Darío crépusculaire de 1916 : “Le siècle entame sa carrière dans le sang — l’ère s’annonce carnassière — / et j’achève ma course. /Je suis revenu au pays de Nulle part / dans une luxuriance lasse, la verdeur moite, / qui énerve. ” » Juan Goytisolo, Letras Libres (Mexico), n° 22, oct. 2000 (à propos des Saisons brûlées).