LOUYS Pierre

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Biographie

Pierre Louis dit Pierre Louÿs, né à Gand le 10 décembre 1870 et mort à Paris le 6 juin 1925, est un poète et romancier français.

Pierre Louÿs fait ses études à l’école Alsacienne de Paris, où il se lie d’amitié avec son condisciple André Gide. Il rédige ses premiers textes durant son adolescence et tient un journal. Encore jeune homme, il commence à s’intéresser au mouvement littéraire du Parnasse, dont il fréquente les poètes emblématiques : Leconte de Lisle, José-Maria de Heredia (dont il épousera en 1899 la plus jeune fille, Louise et sera l’amant de la cadette, Marie, épouse d’Henri de Régnier). Il évoluera aussi dans le milieu symboliste.

Il fonde en 1891 la revue littéraire La Conque, où seront publiées les œuvres d’auteurs parnassiens et symbolistes : des maîtres servant de modèles comme Mallarmé, Moréas, Leconte de Lisle ou Verlaine mais également de jeunes poètes encore inconnus comme Valéry, André Gide et Louÿs lui-même.

Son premier recueil de poésies, Astarté, paraît en 1893, suivi en 1894 des Chansons de Bilitis qui reste son œuvre la plus connue, en plus d’être un fier exemple de mystification littéraire : en effet, Louÿs en fait passer ces poèmes pour une traduction d’une poétesse grecque contemporaine de Sappho. Ce recueil de courts poèmes en prose poétique est marqué par les influences du Parnasse hellénisant et du symbolisme avec un profond goût de la sensualité, du bucolique (dans sa première partie) et de l’érotisme élégant. Les évocations naturelles et précieuses y côtoient ainsi des scènes érotiques ardentes, dans un style parfait. Ces poèmes inspirèrent certains musiciens dont Claude Debussy qui en tira trois compositions, avec la collaboration amicale de Louÿs.

Son premier roman, Aphrodite (mœurs antiques) est publié en 1896. Dans un style associant raffinement extrême dans la volupté et décadentisme recherché, le roman reçut un succès d’estime dans les milieux littéraires post-parnassiens ainsi qu’auprès du grand public (grâce à un article louangeur de François Coppée).

Son roman suivant La Femme et le pantin (1898) se passe à l’époque contemporaine. Ce roman, ajoutant le dramatique à la sensualité, s’avérera être le chef d’œuvre de Louÿs, sans en représenter les passions décadentes mais plutôt une atmosphère complexe d’affects torturés. Du roman fut tiré un drame musical : Conchita (1911), par Zingarini et Vaucaire sur une musique de Riccardo Zandonai ; puis plusieurs films : La Femme et le pantin (The Devil is a Woman) de Josef von Sternberg avec Marlène Dietrich (1935), La Femme et le pantin de Julien Duvivier avec Brigitte Bardot (1959) puis Cet obscur objet du désir de Luis Buñuel avec Fernando Rey et Carole Bouquet (1977).

Il écrivit encore Les Aventures du roi Pausole (1901) mais ses difficultés financières l’accablent et Louÿs a beaucoup de mal à écrire (plus encore à publier) à partir du début du XXe siècle. Il donne alors essentiellement des recueils d’articles et de nouvelles, préalablement publiés dans les journaux.

Paradoxalement, c’est vers 1917 qu’il écrit ses plus beaux textes, Isthi (publié sans nom d’auteur à quelques centaines d’exemplaires), Poëtique et surtout son chef-d’œuvre lyrique, le Pervigilium mortis, longtemps resté inédit. Ses Derniers vers – très amers – ne sont pas non plus publiés.

Tout au long de sa vie, Pierre Louÿs a écrit un très grand nombre de curiosa, doublant, notamment et systématiquement, ses œuvres publiées d’une version érotique. Ses textes, souvent ironiques, reprennent sous une forme coquine des œuvres sérieuses comme les quatrains de Pybrac ou le Manuel de civilité pour les petites filles à l’usage des maisons d’éducation. Il a également raconté ses difficiles relations avec les trois filles Heredia et leur mère dans Trois Filles de leur mère, publié sous le manteau après son décès.

Pierre Louÿs est aussi un bibliophile, qui possédait une bibliothèque de plus de 20 000 volumes (dont des unica) et une connaissance très fine de la littérature ancienne. Passionné de bibliographie, il a publié plusieurs articles sur ces questions et a surtout fait des milliers de fiches qu’il a cédées à son ami Frédéric Lachèvre, auteur d’une Bibliographie des recueils collectifs de poésies publiés de 1597 à 1700 qui fait encore référence aujourd’hui. Frédéric Lachèvre a lui-même publié les lettres qu’il a reçues de Pierre Louÿs, après la mort de ce dernier sous le titre, Pierre Louÿs et l’histoire littéraire (Paris, 1925).

Pierre Louÿs est inhumé au cimetière du Montparnasse.

Bibliographie

  • Astarté, 1891
  • Lêda ou la louange des bienheureuses ténèbres, 1894
  • Ariane ou le chemin de la paix éternelle, 1894
  • La Maison sur le Nil ou Les apparences de la vertu, 1894
  • Les Chansons de Bilitis, 1894
  • Danaë ou le malheur, 1895
  • Aphrodite, 1896
  • La Femme et le pantin, 1898
  • Byblis ou l’enchantement des larmes, 1898
  • Les Aventures du roi Pausole, 1901
  • Pervigilium Mortis (non publié), 1917
  • Isthi, 1917
  • Poëtique, 1917
  • Manuel de civilité pour les petites filles à l’usage des maisons d’éducation, 1926
  • Trois Filles de leur mère, 1926
  • Pybrac et Psyché, 1927
  • Au Temps des Juges, 1933
  • Son journal est publié après sa mort et complété en 2003 (Mon Journal (20 mai 1888-14 mars 1890), éd. Alban Cerisier, Les Cahiers de la NRF, 232 p.)
  • Pierre Louÿs est également l’auteur d’une correspondance exceptionnelle dont une partie a déjà été publiée (avec Claude Debussy, Paul Valéry et André Gide, son frère Georges Louis (Mille Lettres inédites de Pierre Louÿs à Georges Louis 1890-1917, éd. Jean-Paul Goujon, Fayard, 1320 p.) ou José-Maria de Heredia (Correspondance inédite, éd. Jean-Paul Goujon, Champion, 2006)

Textes

Danseuse

Sur le fragile sol rêvé pour ses pieds nus,
Terre où le ciel du soir jette en eau claire et sombre
De transparentes fleurs et de longs bouquets d’ombre,
Tous les désirs sont derrière elles revenus.

En maillot mince, et si lucide, qu’elle semble
Sortir sans vêtement du lit de quelque dieu,
Elle inspire autour d’elle une source de feu,
Une écharpe affolée où tout le soleil tremble.

Alors, du fond des bois lissés par le pinceau,
Choyant de ses cheveux gonflés en blond berceau
Son corps svelte, que fouette un flot versicolore,

Elle, tourbillon rose ailé d’or bigarré,
Tourne, au rythme du luth et du fifre effaré,
et dans ses hautes mains frappe le buis sonore.