LIEBRECHT Henri

Biographie

BIOGRAPHIE

Né à Péra (Istamboul), en Turquie, le 29 juillet 1884, où son père, ingénieur, est en mission technique, Henri Liebrecht devient orphelin de mère dès l’âge de deux ans. Son père se remarie et entraîne les siens en Afrique du Nord et au Chili. La famille du jeune Henri est cultivée : son grand-père paternel, linguiste et folkloriste, a correspondu avec les frères Grimm et son aïeul maternel, professeur à l’Université de Liège, physicien et mathématicien, a siégé à l’Académie de Belgique. À son retour au pays, âgé de huit ans, le futur écrivain est inscrit à l’Athénée de Bruxelles puis, selon le vœu paternel, aux cours de polytechnique de l’Université de Bruxelles.

Épris de romantisme et lecteur assidu des parnassiens, Liebrecht s’adonne très jeune à la poésie. Il fait la connaissance de Valère Gille, dont il subit l’influence et auquel il consacre deux publications en 1904 et en 1906. Le Thyrse accueille dans ses pages l’un de ses sonnets; il remporte un concours de poésie organisé par la revue. Il a abandonné l’université, après une candidature en droit. La littérature l’attire et c’est à elle qu’il se vouera désormais. Collaborateur du Thyrse, il en est le directeur pendant presque deux ans, entre 1905 et 1907, avec le poète Morisseaux.

Un premier recueil de vers paraît en 1905 : Les Fleurs de soie est de pure tradition parnassienne. Deux autres publications confirmeront cet attachement : Au seuil de l’amour, en 1907, et Les Jours tendres, en 1908. Ici s’arrête la production lyrique de l’écrivain. Il s’est découvert en effet une autre passion : le théâtre. En deux ans, trois comédies voient le jour : L’École des valets et Miss Lili, en 1905; cette dernière est représentée pour la première fois au Théâtre royal du Parc de Bruxelles le 12 avril. L’année suivante, Cœur de Bohême, L’Effrénée, Pierrot comédien ou les Matinées mondaines sont livrés au public. Liebrecht se révèle classique au théâtre comme en poésie. Ses pièces en vers font penser, par leur fraîcheur et leur finesse, aux comédies italiennes légères du XVIIIe siècle, à Molière et à Marivaux.

Liebrecht transpose dans un roman une aventure amoureuse qui se déroule dans les milieux de la scène. Le Masque tombe, en 1907, est aussi l’occasion de réflexions sur le théâtre et sur les liens entre le créateur et ses interprètes. Quatre ans plus tard, Un cœur blessé, dédié à Boylesve, s’inscrit dans la même veine de fictions décrivant l’amour et ses embrasements. La production romanesque de Liebrecht s’arrête à ces deux livres. Il écrira encore quelques récits rassemblés en 1913 dans Les Fantaisies de Camargo; plus tard, en 1926, À l’ombre du minaret s’inspirera de contes orientaux.

Jusqu’à la première guerre mondiale, Liebrecht publie encore une dizaine de pièces de théâtre, essentiellement des divertissements plaisants, à tendance un peu moralisatrice. Il faut citer Le Carnaval de Venise ou l’École des amants, qui date de 1909, et Gil Blas chez Monseigneur, en 1912, qui s’inspire du roman de Lesage. Cette période est marquée également par une intense activité journalistique. Liebrecht collabore au Journal de Bruxelles et à diverses revues. Il entreprend aussi, en 1909, une volumineuse Histoire de la littérature belge d’expression française, préfacée par Picard, qui constitue la première étude de cette importance sur nos lettres depuis leur origine. Bien que cet ouvrage révèle l’érudition du jeune écrivain de vingt-cinq ans, les critiques fusent et une polémique s’engage, notamment avec Maurice Wilmotte. Ce dernier s’insurge contre les lacunes et les omissions de l’ouvrage. Avec Georges Rency, à deux reprises, en 1926 puis en 1931, Liebrecht réécrira une Histoire illustrée de la littérature belge de langue française, corrigeant les erreurs qui lui avaient été reprochées.

Après la guerre, Liebrecht s’adonne à la critique. Avec un grand souci de rigueur, il consulte archives inédites et documents de première main pour rédiger une Histoire du théâtre français à Bruxelles au XVIIe et au XVIIIe siècles (1923), puis une étude sur les Comédiens français d’autrefois à Bruxelles (1932). Cette fois, il est reconnu comme historien et comme philologue, et confirmé dans ce rôle par Les Chambres de rhétorique (1948), où il se penche sur notre théâtre du XIVe au XVIe siècles. Il publie aussi des études sur La Jeune Belgique, De Coster, Gilkin et Giraud.

Sur le plan professionnel, il est devenu en 1926 rédacteur en chef de Voir et lire, qui sera Le Soir illustré deux ans plus tard. Il dirige les pages littéraires du Soir. Ses activités et ses responsabilités augmentent : il est secrétaire général de l’Association des écrivains belges de langue française de 1934 à 1937, puis vice-président. Au Musée du livre, il assume les fonctions de secrétaire général. Il collabore à un ouvrage collectif consacré à l’Histoire du livre et de l’imprimerie en Belgique des origines à nos jours. Il en rédige seul le tome VI, paru en 1934, destiné à mieux faire connaître l’activité des imprimeurs et éditeurs belges depuis 1800. Il s’intéresse au folklore, à ses traditions et coutumes dans La Guirlande en roses de papier, en 1939. Dans un petit livre que préface Maeterlinck, il rend hommage à Albert Ier, le roi-soldat (1934). Après le second conflit mondial, il publie L’Université de Bruxelles et la guerre, historique des moments pénibles que l’Alma mater connut pendant les sombres années de l’occupation allemande. Il dirige une somme en deux volumes, intitulée Histoire de la guerre des Nations-Unies 1939-1945 et publie encore un ouvrage sur les fils Aymon (1948), et des Croquis de Bruxelles, qui accompagne des planches de Jacono (1954).

Il meurt le 27 septembre 1955. Il avait été élu à l’Académie royale de langue et de littérature françaises le 22 septembre 1945, au titre philologique.