LEJEUNE Claire

Biographie

Claire Lejeune est née à Havré, en Hainaut, le 5 octobre 1926. Elle est secrétaire permanent du Centre Interdisciplinaire d’Études Philosophiques de l’Université de Mons-Hainaut (CIEPHUM). Elle est aussi fondatrice des Cahiers Internationaux de Symbolisme, (Genève, 1962) et de Réseaux, Revue interdisciplinaire de Philosophie morale et politique (Genève, 1965) dont elle continue à assumer la rédaction et l’administration. Ces deux revues sont renommées internationalement pour la qualité de leurs textes et de leurs collaborations. Claire Lejeune organise depuis 1962 de très nombreux colloques interdisciplinaires à Paris, Genève, Bruxelles, Mons, Lausanne, Neufchâtel… Elle a depuis son jeune âge la passion de photographier. En 1968, elle s’aménage une chambre noire. L’analogie entre la démarche poétique et la démarche photographique devient son fil d’Ariane. Dans plusieurs de ses livres, ses écritures photographiques, «analphabétiques», cohabitent avec l’écriture poétique. Ses «photographismes» ont été exposés à de nombreuses reprises, de Kyoto (en 1970) à Rivières-du-Loup au Québec (1990). Claire Lejeune a reçu le Prix Canada-Communauté Française de Belgique de Littérature 1984 pour l’ensemble de son oeuvre. Elle est d’ailleurs beaucoup mieux connue au Canada que chez nous.

Autodidacte, elle bâtit une oeuvre avec force et sagesse, un idéalisme patient, une conviction sauvage. Elle excelle dans l’essai poétique, s’affirme d’ailleurs poète plutôt que philosophe (du moins au sens occidental et étriqué du terme). La femme est conviviale, s’exprime avec la simplicité et la précision de celles qui savent où elles marchent, où elles vont.
Claire Lejeune est décédée la nuit du 5 au 6 sptembre 2008.

Bibliographie

Poésie et essais poétiques :

  • La gangue et le feu, Bruxelles, Phantomas, 1963.
  • Le pourpre, Bruxelles, Le Cormier, 1966.
  • La geste, Paris, José Corti, 1966.
  • Le dernier testament, Lausanne, Rencontres, 1969.
  • Elle, Bruxelles, Le Cormier, 1969.
  • Mémoire de rien, Bruxelles, Le Cormier, 1972.
  • L’atelier, Bruxelles, Le Cormier, 1979, Montréal, L’Hexagone (Coll.Typo), 1992.
  • L’issue, Bruxelles, Le Cormier, 1980.
  • L’oeil de la lettre, Bruxelles, Le Cormier, 1984.
  • Court-circuit, Montréal, La Nouvelle Barre du Jour, 1985.
  • Du point de vue du tiers, Montréal, La Nouvelle Barre du Jour, 1986.
  • Age poétique, âge politique, Montréal, L’Hexagone, 1987.
  • Le livre de la soeur, Montréal, L’Hexagone, 1992, co-édition avec les Ed. Labor, Bruxelles, 1993.
  • Ariane et Don Juan, pièce en trois actes, RTBF-Studio-Théâtre (avril 1992), avec Jacqueline Bir et Jean-Claude Frison, mise en ondes de Jean-Claude Idée, Production Jean-Louis Jacques.
  • Ici et Là. Frameries (6/b, rue de la Liberté, 7080) : Bruno Robbe Editions, 2008. Photographies de Laurence Vray.

    À consulter :

  • L’Inattendue : genèse de la création dans les essais de Claire Lejeune, in : Cahiers internationaux de symbolisme, Mons : CIEPHUM, 2006. Numéro 113-114-115.

  • Danielle Bajomée, Martine Renouprez, Claire Lejeune, une voix pourpre. Renaissance du Livre, 2012.

Textes

Etre ce sismographe

Etre ce sismographe
l’oeil scribe

ma tête est bien lourde
elle écrase ma plume

je me voudrais aux champs
la tête sous le bras
déposant ce rire de diacre
dans une touffe de joncs

il y a des gens qui portent
la tête en montgolfière
avec des cous de fils tendus

moi je la veux coupable

Commentaires

L’itinéraire spirituel de Claire Lejeune est des plus originaux, difficiles et profonds.  Il va de la connaissance par la fulguration poétique jusqu’à l’interrogation par la philosophie.  C’est dire que, dès le début, dans les années 60, il se veut pensant mais lyrique, illuminé mais soucieux de ne rien céder de sa lucidité à l’illumination.  L’admirable Geste – un recueil d’aphorismes fulgurants – qui n’ont rien à envier à René Char ni à E.M. Cioran – dit cette dualité et cette double sollicitation: le poème et la pensée.  En même temps, il annonce un choix douloureux: l’analyse de l’être et du non-être peut-elle accepter le poème?  Un glissement s’opère, qui éloigne Claire Lejeune, dès les années 70, du poème pour le poème.  La pensée ne se forge plus dans l’exaltation poétique et, petit à petit, le poème fait place à la réflexion sur les doubles, les mythes, les miroirs et les énigmes de la conscience se remettant en cause.  Création pour l’analyse ou analyse malgré la création?  Nul mieux que Claire Lejeune n’a donné ses titres de noblesse et ses affres à ce dilemme.

Editions Traces, Bruxelles “La poésie francophone de Belgique (1903-1926)