GOFFIN Robert

Biographie

1898 : Robert Goffin naît à Ohain. Sa mère est célibataire, son grand-père pharmacien.

1910 : fait un court séjour au Petit Séminaire avant d’être renvoyé.

1916 : termine ses humanités à l’Athénée de Saint-Gilles (avec, pour condisciples, P.-H. Spaak et Paul Delvaux).

1918 : commence à fréquenter le milieu dadaïste des Lettres belges et publie son premier recueil, Rosaire des soirs.

1920 : s’enflamme pour le Jazz.

1919 : s’inscrit à l’U.L.B., fréquente Odilon-Jean Périer, Henri Michaux, E. Mœrman, rencontre Jules Romains et Blaise Cendrars.

1922 : à Paris, rencontre Max Jacobs, Maurice Chagall, à nouveau B. Cendrars.

1923 : avocat à la Cour d’Appel de Bruxelles, il s’intéresse au droit financier sur lequel il publiera trois livres. Il fonde un orchestre amateur de jazz.

1925 : dans sa première affaire d’Assises, il plaide, avec succès, l’acquittement d’une infanticide.

1928 : épouse Suzanne Lagrange.

1931 – 1938 : redouble d’activité musicale. Il joue et écrit le jazz (Aux frontières du jazz), rencontre ses papes (dont Armstrong); il multiplie les publications dans les domaines les plus divers : ses premiers romans (L’apostat, puis La proie pour l’ombre et Chère espionne), deux études sur Rimbaud, une monographie gastronomique, des essais “animaliers” (sur les rats, les anguilles, les araignées), et historiques (sur l’impératrice Charlotte et Elisabeth de Habsbourg).

1941 – 1945 : poursuit des activités musicales et littéraires aux USA, mélangeant étude du jazz et écriture de romans d’espionnage.

1945 : rentre en Belgique et reprend ses activités juridiques; voyage beaucoup, multiplie les rencontres (Cocteau, Eluard notamment), travaille sur la poésie (Apollinaire, Mallarmé…) et publie plusieurs recueils.

1952 : entre à l’Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique.

1954 : président du Pen Club de Belgique; ses nombreux voyages — il visite tous les continents — sont ponctués par des immobilisations dues à la goutte.

1959 : les Éditions Universitaires rassemblent ses Œuvres poétiques 1918-1954.

1965 : mort de son épouse Suzanne.

1971 : directeur de l’Académie; les voyages vont peu à peu faire place à la retraite au bord du lac de Genval.

1984 : Robert Goffin meurt à l’âge de 86 ans.

Bibliographie

  • Le rosaire des soirs, Bruxelles, Van Campenhout, 1918.
  • Jazz band, Paris, Les Ecrits du Nord, 1922.
  • La proie pour l’ombre, Paris, Corréa, 1935.
  • Couleur d’absence, Paris, Cahier du Journal des Poètes, 1936.
  • Le roman des anguilles, Paris, Gallimard, 1936.
  • Sang bleu, Paris, Gallimard, 1939.
  • Le voleur de feu, Paris, l’Ecran du Monde, 1950.
  • Filles de l’onde, Paris, Serghers, 1954.
  • Foudre natale, Bruxelles, Dutilleul, 1955.
  • Le Temps sans rives, Paris, Ed. de Paris, 1958.
  • Œuvres poétiques, Paris, Ed. Universitaires, 1958.
  • Archipels de la Sève, Paris, Nizet, 1959.
  • Sources du ciel, Paris, Nizet, 1962.
  • Corps combustible, Paris, Nizet, 1964.
  • Fil d’Ariane pour la poésie, Paris, Nizet, 1964.
  • Sablier pour une cosmogonie, Bruxelles, De Rache, 1965.
  • Le versant noir, Paris, Flammarion, 1967.
  • Faits divers, Id., 1969.
  • Phosphores chanteurs, Bruxelles, De Rache, 1970.
  • Le Tour du monde en quatre-vingts quatrains, s.n.e.
  • L’envers du feu, Chambelland, 1971.
  • Chroniques d’Outre-Chair, Chambelland, 1975.
  • Enfance naturelle, Villeneuve-lez-Avignon, Jacques Bremond, 1977.
  • Quatre fois vingt ans, Villeneuve-lez-Avignon, Jacques Bremond, 1979.
  • À consulter : Danval Marc, « Robert Goffin : avocat, poète et homme de jazz ». Le Carré Gomand, 2014.
  • À consulter: Jean-Marie Horemans, « Robert Goffin, le poète au sang qui chante ». Institut Jules Destrée, Charleroi, 1976.

Textes

L’au-dedans de l’en-deça

Belle d’aube et de caresses
Bulles de fard et de fleurs
Tout ce qui fut notre ivresse
Remonte des profondeurs

Des bruyères me reviennent
Au rythme des baisers las
Est-ce ta lèvre ou la mienne
Qui brûlait cette nuit-là

Est-ce plaie ou plainte Sont-ce
Des ecchymoses de ciel
Ou les lisères de ronces
D’un météore charnel

Sais-je quand surgit le doute
Entre la sève et le sang
Ou quand s’effeuillèrent toutes
Les fleurs du buisson ardent

Etait-ce un soir de dimanche
Que le lézard s’ouvrit
Quand touchai sur ta hanche
Un pressentiment d’oubli

Ce qui fut à jamais passe
Au gré de l’ombre et des jours
Tes mots n’ont sur la terrasse
Qu’un lointain reflet d’amour

Etait-ce un soupçon d’abîme
Est-ce toi serait-ce moi
Qui retombait de la cime
Qu’on n’atteint jamais deux fois

Est-ce pour la trop cruelle
Loi  vaine d’un vain destin
Que notre flamme éternelle
N’eut qu’un instant de matin

Je cherche et toi sais-tu qu’est-ce
Qui lie et qui délia
Au tréfonds de notre ivresse
L’en-dedans de l’au-delà

Commentaires

“Charles Plisnier disait de Robert Goffin qu’il était capable de faire de la poésie avec n’importe quel matériau brut, même le charbon et le grisou. Influencé par le verbe intempérant de Blaise Cendrars, ce poète, qui n’a jamais su soigner son style, a tout de même annexé deux domaines nouveaux au lyrisme: le jazz et l’histoire du cinéma. Ses chroniques – ou poèmes-conversations – sont peuplées d’évocations de Louis Armstrong et de Duke Ellington, qui furent ses amis; elles relatent aussi les aventures de Greta Garbo, de Gloria Swanson, de Marlène Dietrich. Pleines d’anecdotes savoureuses, elle savent aussi mettre en scène les dynasties malheureuses, les princes anciens, les mille péripéties du dictionnaire. Malaxeur de haut vol, Robert Goffin se veut aussi, en vers réguliers, un poète élégiaque: il y est moins à l’aise.”

La poésie francophone de Belgique. Bruxelles, Editions Traces, 1985.