GOBRON Marie-Jo

Biographie

Bibliographie

  • Houles, poèmes, Chez l’auteur, 1953. Prix H.Krains,
  • De visage à visage, poèmes, Chez l’auteur, 1961.
  • Instants, poèmes, Chez l’auteur, 1984.
  • Paysage Intérieur, Ed. Saint-Germain-Des-Prés, 1990.

Textes

Grouschegnka

Les amours de tous les gitans
Se sont croisées dans tes yeux ce soir-là,
Grouschegnka !

O rouge de ton coeur
Comme une écharpe sur ton corps
Et le noir serpent de ta robe
Qui s’ enroulait, se déroulait ;
La bête sombre
De nos chairs qui, de nous vers toi,
S’ envolait et tes bras
Qui faisaient feu de notre bois !
Tandis que crépitaient
Les ferments levés par les balalaïkas.

O Grouschegnka !
Ma soeur aveugle et folle
D’ amour,
Le vin de volupté
Te faisait rouler parmi les tambours,
Tous les sons dans ton sang,
Nos extases secrètes
Autant
De banderilles plantées au ras de ta tête.

Grouschegnka ! Grouschegnka !
De part en part, viole et balalaïka !

extrait de Visage à visage

Clara de la mer

Clara de la mer,
Un grand verre de vent,
Une de ces rasades
Qui font baver les étoiles,
Une de ces tornades
Jusqu’ au ventre dans la joie.

Clara de la mer,
O la bonne claque
Quand se fâche l’ air !
Le ciel dans le sel
Et la houle sur la langue,
Le flux et le reflux dans le
Corps qui tangue.

Clara de la mer,
Tout me reste à boire,
Et la terre entière
Part
Au gré d’ une lame.

Clara de la mer,
Un grand verre de vent,
Un grand verre d’ amer
Quand se fâche en moi mon sang.

extrait de Visage à visage

Commentaires

Une force de la nature : voilà Marie-Jo Gobron.
Ne lui demandez pas de ruser avec le langage, d’agencer patiemment des rimes riches, de ciseler des strophes impeccables. Qui songerait à encager le vent, à mettre un chêne en pot, à enfermer la mer dans un aquarium, à faire chanter le soleil dans une prison ?
Sa poésie éclate comme le printemps fend la terre, fouette la sève, ourle les vagues de clarté, fait briller le sang aux lèvres humides des femmes. Ses mots vous atteignent en plein coeur. Son rythme vous aère comme une rafale traverse les blés. Sa puissance d’émotion vous arrache au quotidien, vous soulève telle une houle au-dessus de vous-même.
Comme chez tous les poètes que nous a donnés sa Flandre natale – dont Verhaeren est le plus célèbre – réalisme et mysticisme se conjuguent étroitement chez Marie-Jo Gobron pour atteindre une sorte de magie verbale qui ne doit sa vertu explosive qu’à sa fière indépendance. Une soif de vie toujours plus ardente, un enthousiasme toujours plus vibrant viennent gonfler ses vers et leur conférer une résonnace profondément humaine. Ne s’écrie-t-elle pas, dès le début du recueil :
Pour avoir violé la terre
De mes deux mains ouvertes,
J’ai pris forme d’un arbre
Et perdu mon corps.
Mais j’ai acquis le droit d’espace
Et la nuit n’est plus étrangère.
Jamais d’ailleurs, même dans les moments de crise ou de dépression, elle ne perd sa mervelleuse confiance en la vie et c’est par un superbe cri d’espèrance et de foi que se termine le livre.
L’on se sent meilleur et comme agrandi de coeur et d’âme, l’on se sent fier d’appartenir à l’humanité quand on a lu les vers de Marie-Jo Gobron. N’est-ce pas là le plus bel éloge que l’on puisse faire d’un jeune poète d’aujourd’hui ?
                                                                                           
                                                                                                          Maurice Carême pour la préface de Houles