DUBART Jean-luc

Biographie

Né à Tournai le 29 décembre 1958
Licencié-agrégé en Sciences Religieuses (UCL, 1978). Licence spéciale en Philosophie (UCL, 1980). Bachelier en Sciences Familiales et Sexologiques (UCL, 1980). Licencié-agrégé en Philosophie et Lettres (UCL, 1984).   Poète et essayiste, récitant et percussionniste.   Professeur de Philosophie et de Catéchèse dans l’enseignement supérieur, animateur des ateliers d’écriture, rédige des études philologiques picardes, historiques (traditions locales) et hagiographiques. Collaborateur RTBF (Guy Lemaire, Stéphane Pollart). Chroniqueur Groupe Sudpresse. Administrateur de l’A.R.E.W.   Prix littéraires :

  • Bourse littéraire d’encouragement de la Communauté française pour La Métaphysique de la moisson, 1989.
  • Prix Charles Plisnier pour La Haute Note Jaune, 1990.
  • Prix de Poésie contemporaine Université de Lille pour Fors de bout, 1992
  • Prix A.R.E.W. pour Minuit approche, il subsiste toujours une mesure, 1993.   

 

Bibliographie

  • La Haute Note Jaune, essai, SCRIbande, Wez, 1990.
  • Mon Village, prose poétique, SCRIbande, Wez, 1990.
  • Jean et Julie, prose poétique, SCRIbande, Wez, 1990.
  • La Métaphysique de la moisson, prose poétique, SCRIbande, Wez, 1990.
  • Fors de bout, prose poétique, L’Arbre à paroles, Amay, 1992.
  • Gins d’ichi, recherche philologique (étymologie des noms propres picards), articles parus dans le Nord Eclair (édition de Tournai), 1993.
  • Minuit approche, il subsiste toujours une mesure, essai, L’Arbre à paroles, Amay, 1993.
  • Osieaux d’ichi, recherche philologique, articles parus dans le Nord Eclair (édition de Tournai), 1994. Expressions françaises et picardes liées aux oiseaux.
  • Raveluques et Brimborions, recherche philologique, articles parus dans le Nord Eclair (édition de Tournai), 1995. Homonymies et faux-amis français-picard.
  • Si t’es d’ichi, spreek zoals hier, recherche philologique, articles parus dans le Nord Eclair (édition de Tournai). Ressemblances néerlandais – picard.
  • Etranges similitudes entre l’anglais et le picard, recherche philologique, articles parus dans le Nord Eclair (édition de Tournai).
  • Sobriquets de Bléharies, de Lesdain, de Rongy, de Péronnes, Chez l’auteur, Bléharies, 1995-1996.
  • Les Chemins de la croix, théâtre, Bléharies, 1996.
  • Vincent Wilhem Van Gogh et son double, théâtre, L’Arbre à Paroles, Amay, 1999.
  • La Métaphysique de la Moisson, suivi de La Terre va, le ciel demeure et L’Aube crépusculaire, L’Arbre à Paroles, Amay,
  • Les saints guérisseurs de Picardie, traditions locales, tomes I, II, III, IV, V, Abeditions, Ath, 1996-2001.
  • Les saints et les animaux, recherche hagiographique, Abeditions, Ath, 2002.
  • A quel saint se vouer ? recherche hagiographique, Abeditions, Ath, 2002.
  • Dico picard : J’vas vous conter fleurète et autres récits picards(avec des illustrations de Serdu), Norina, 2004.
  • Dico des faux saints ou la sainte silicone vallée : Les saints imaginaires et facétieux de Wallonie (avec des illustrations de Serdu), Norina, 2004.
  • Saint Nicolas expliqué aux plus grands, illustrations de Robert Rolland, Norina, 2004.
  • CD-ROM sur la Grande Procession de Tournai(en collaboration avec François Laude-Bazin), 2005.
  • Contes et légendes du pays hennuyer, Mémor, Bruxelles, 2005.
  • CD-ROM sur les Saints et les Attributs(en collaboration avec François Laude-Bazin), 2005.
  • Sur la terre comme au ciel, les vitraux de l’église de Bléharies (œuvre de Henry Lacoste), avec Nicolas Verplancken, éditions Conseil de Pastorale Saint-Aybert, 2005.

 

  • A paraître : « Saints, Traditions et Bons Baisers », 62 séquences diffusées sur les antennes de la RTBF. 

Textes

Les amours de Jean Bacart     Premier tableau   Et Jean Bacart avait dit qu’il devait y avoir beaucoup de plaisir à dormir avec cette fille (parce qu’elle est pétrie de soleil, de terre et de fontaine et aussi parce qu’elle est vierge). Et Jean Bacart avait dit qu’il devait être doux de se réveiller avec elle à ses côtés (parce qu’il l’avait vue travailler et que le champ lui avait souri). Et Jean Bacart avait alors pensé qu’il aurait cette terre et qu’il aurait la fille (parce qu’elles sont inséparables). (Il avait employé ces mots parce que c’étaient les siens et qu’il n’en avait pas d’autres). Et Jean Bacart lui avait parlé de la cardamine, des moineaux friquets qui emportent les récoltes et des carpes de l’étang (parce que c’était sa vie).     Un jour, je veux dire : un autre jour, il lui avait semblé que le soleil incendiait davantage les corps et qu’elle était encore plus belle dans le champ. Il avait senti un brasier dans son ventre et croyait que ses poumons allaient éclater (parce que sa poitrine l’engonçait). Il ne savait pas à quoi attribuer ces nausées (ou peut-être le savait-il trop).     Le soleil était haut dans le ciel     Et Jean Bacart s’était arrêté (parce qu’on ne travaille pas quand le manche de la houe n’a plus d’ombre).      Le soc attendrait. Et le coutre. Et la rasette.     Jean Bacart avait pensé à une peinture (pas comme les reproductions de la salle à manger ni des chambres) : une nouvelle peinture où il n’y aurait plus de forme, où elle se perdrait à la fois dans le ciel lavande, l’épi fauve et la terre ocre. Et Jean Bacart avait dit : C’est beau.     La crête n’était pas loin : il ferait un enfant à Marie.     Deuxième tableau     Et Jean Bacart avait dit qu’il n’était pas encore temps, que la moisson ne pouvait pas attendre, ni le soc ni le coutre et la rasette. (Et Jean Bacart avait travaillé parce qu’on travaille quand on ne rêve pas). Il lui ferait un enfant, peut-être, mais plus tard. Peut-être l’année prochaine (si les récoltes sont abondantes et si le grenier est plein à ras-bord). Et puis, il y aurait le rendement des betteraves et les pertes toujours possibles de jeunes veaux ou porcelets. Et Jean Bacart avait dit qu’il fallait penser à tout cela, qu’on n’était jamais assez prudent et qu’il fallait veiller à tout, et surtout, au grain.   Troisième tableau   Et Jean Bacart, sur la crête, avait fait un enfant à Marie (parce que le soleil lui avait souri). Et Marie avait approché son corps (ciel – épi – terre) près du sien en une lente dépossession. Et Jean Bacart a su le plaisir que l’on a à dormir avec Marie (mais elle n’était plus vierge et c’était bien comme cela). Et Jean Bacart lui avait dit des mots doux (mais pas des mots inventés, comme ceux du dictionnaire). Les siens. Parce qu’on appelle Marie, Marie. Et l’Amour, l’Amour. Et Jean Bacart n’a jamais su qui, ce jour-là, de Marie ou de la terre, s’était la plus offerte.   Il avait oublié le soc, le coutre et la rasette.      Quatrième tableau     Et Jean Bacart hésitait maintenant à relever la tête (parce qu’il ne voulait plus être troublé par cette présence obsédante). Il lui confierait, mais un jour plutôt d’hiver (parce que le seul véritable travail est le travail des bêtes), il lui confierait qu’elle n’avait pas à se donner à un autre que lui, qu’un jour, il la marierait, mais qu’il fallait attendre (comme la plaine).   La crête était loin : il ne ferait jamais d’enfant devant des épis.      Cinquième tableau      Et Jean Bacart avait creusé la terre et enfoncé le coutre et la rasette. Le fer tranchant avait glissé dans l’argile grenue et Jean Bacart avait senti la faible résistance (parce que les terrains ne trompent pas et qu’une terre n’est pas une autre). Et puis, c’était la première fois que l’on semait. Et Jean Bacart avait pensé à la récolte (parce que tout, ici, annonce la moisson. Et les réjouissances collectives).   Le soleil était haut dans le ciel. A vrai dire : à son zénith.   Mais Jean Bacart ne s’en souciait pas parce qu’il était lui-même devenu flamme, torche, soleil et incendieur du beau corps de Marie offerte.     Sixième tableau     Et Marie se taisait, toute au rêve et au don.   Le champ ruisselait de soleil.   Au réveil de Jean Bacart, le soc indiquait : midi.     27 juillet 1890. Auvers-sur-Oise. 15 heures.       Le peintre Vincent Wilhem Van Gogh descend les marches de l’auberge Ravoux. Son visage porte les stigmates de la sérénité. Il est fou. De douceur. Il va vers le clair, une arme dans la main gauche. Pour la première fois, ses cheveux roux disent qu’il est chez lui.               27 juillet 1890. Auvers-sur-Oise. 17 heures.       Un paysage blanc, mais d’un blanc qui défie l’analyse : les champs de blé – bleu et vert – sont gravides de lumière. Le soleil est haut dans le ciel et l’ouvrage incendiaire sans répit. Seules les échancrures noires des freux découpent des coins de terre. Et dans ce paysage blanc, mais d’un blanc qui défie l’analyse, la lumière s’enivre puis se roule et s’étrangle. L’alouette a perçu un cri plein et sourd et rauque. Dans les champs de blé – rouge et vert – un oiseau de feu se brûle les ailes.    
          27 juillet 1890. Auvers-sur-Oise.  L’heure entre chien et loup.       Le peintre Vincent Wilhem Van Gogh regagne sa chambre, au second étage de l’auberge Ravoux. Il y a, dans ses yeux, plus que de la douleur : de la paix. La main gauche sur la poitrine, il entend les cymbales de feu et de sang.   Il n’y a plus d’images en lui : plus de cyprès, d’iris ou de tournesols. Mais un immense soleil blanc. Comme une souffrance étale.           29 juillet 1890.       L’aube ne s’est pas levée ce matin. La chambre est sombre, interdite. Dans la débâcle, les peintures, trop hâtivement accrochées aux murs, gardent leur calme : elles ont risqué leur vie et leur raison.     Un lit, deux chaises, un bonheur du jour et, à l’arrière-plan, une tabatière.         Ciel vert pâle.

Commentaires

Présentation de la “haute note jaune” par Roger Cantraine     ” La “Haute Note Jaune” est proche de ce qui pourrait être une biographie lyrique de Van Gogh. Le recueil éclaire par “flashes” successifs la vie de Vincent. Eclaire… Ou, plus exactement, ranime les ombres, entrouve et referme des véracités fugaces, avec parfois des textes originaux à l’appui. Mais les choses ne sont pas aussi simples…     Car les fantasmes qui s’agitent sont-ils ceux du peintre ou ceux du poète ? Dans quel miroir celui-ci regarde-t-il quand il examine l’oeuvre, s’y enferme par le regard, l’intègre à sa méditation ? L’homme qui s’approche de la poésie, dit-il, ne peut qu’en être modifié. Modifié ou révélé à lui-même. Car, finalement, “le poème est une parcelle de conscience aiguisée”.
Le recueil de Jean-Luc Dubart se module entre abstraction et sensualité, en une phrasé ample ou syncopé, suivant l’allure de la méditation. Parfois, les choses sont dites crûment, de manière à ne pas ‘angéliser’ Vincent. Incantatoire par moments, obstinée, pesante (mais sans lourdeur !) la phrase entraîne le lecteur – et aussi le poète ? – au fond de cette “caverne” d’où Vincent “ne sort pas”. Le lecteur ne s’en tirera pas à bon compte : c’est toute une vie qu’il faut forcer, pour essayer, avec le poète, de se regarder en face. Exercice difficile que celui qui consiste à s’obliger, auteur comme lecteur, à jouer avec son double…”     Roger Cantraine, membre de l’Association des Ecrivains Belges.