DE BRUYCKER Daniel

Biographie

Daniel De Bruycker est né à Bruxelles (1953) d’une famille flandrienne bientôt installée en Hainaut. D’abord critique de jazz, de danse et de théâtre en Belgique (Le Soir) et en France (Le Monde), puis tour à tour écrivain-voyageur (Japon, Inde, Turquie, Egypte etc.), animateur d’ateliers d’écriture pour jeunes enfants ou traducteur (néerlandais, anglais, allemand), et époux de l’ethnologue et romancière Chantal Deltenre, il vit, écrit et maçonne aujourd’hui à l’ermitage de la Martinière (Manche).

Source : MaelstrÖm reEvolution (2015).

Bibliographie

Remarqué dès la fin des années ’70 par plusieurs prix littéraires majeurs, il ne commence à publier que dix ans plus tard  :

  • La Mer est ronde, Bruxelles : Le Cormier, 1987.
  • Destins nomades, Amay : L’Arbre à Paroles, 1994.
  • La pierre de soi, Paris : Éditions Entente, 1996.
  • Poèmes de Hou Dang Ye, Coaraze : L’Amourier, 2000.
  • Disputatio Lamberti de Secario Orbique Orcadigeni, Paris : Jean-Cyrille Godefroy, 2002.
  • Jataka de l’arbre, Court-Saint-Etienne : Images d’Yvoires, 2002.
  • Architecture des geôles, avec Otto Ganz, Coaraze : L’Amourier, 2003.
  • Les kilims de Beyt-l’aâm, Coaraze : L’Amourier, 2004.
  • Prière les mains derrière le dos, Châtelineau : Le Taillis Pré, 2007.
  • Silex. La tombe du chasseur, roman, Arles : Actes Sud, 1999. Prix Rossel 1999.
  • Eïtô (Lampe d’ombre), roman, Arles : Actes Sud, 2001. Prix du Roman francophone et prix triennal de la Ville de Tournai.
  • Lettres de Treste, Arles : Actes Sud, 2004.
  • Ghazâls des Hu, Destins nomades 2, L’Amourier, 2004.
  • Couper ici, Châtelineau : Le Taillis Pré, 2005.
  • Neuvaines 1 à 3, MaelstrÖm reEvolution, 2015.

Textes

HORLOGE

Il connaissait le sable :
celui, perpétuel, infranchissable,
des grands déserts avec leurs dunes ;
et celui, fluide et fugitif, auquel se mêlent
les secondes pour glisser
de l’une en l’autre ampoule du sablier –
mais qu’on retourne l’instrument,
et seul le sable est resté.

Il avait appris l’eau :
celle, insondable, originelle,
de l’océan aux longues vagues ;
et, goutte à goutte, celle qui circule
en ces clepsydres où l’heure et l’eau
s’écoulent ensemble
– mais seule l’eau revient.

De l’horloge,
les rouages inflexibles le charmèrent,
le balancier si frêle mais opiniâtre
le mit en joie, le cadran lui sembla beau :
c’est autre chose qui le stupéfia.

URNACHT

Là-bas dans l’ombre un pas qui résonne –
si quelqu’un vient, autant savoir :
avant longtemps ce ne sera personne.

Dans le silence cette voix qui appelle –
auètant se dire, si quelqu’un part
que bien avant déjà on était seul.

Dans le brouillard (peut-être : il faisait noir)
au carrefour, où les chemins se croisent
même mon ombre est passée sans me voir.

(Extraits de : Couper ici, Le Taillis Pré, 2005)

(…)

          Graine parmi d’autres germes, dans l’embryon du temps où le rudiment du monde méditait l’avenir du vivant,

j’aurais pu choisir de n’être qu’une de ces fleurs des bois – jaune ou bleue, à mon seul gré – que tant de fois à mes pieds j’ai vu pousser, s’épanouir puis décliner en hâte, d’une saison l’autre brûlant les étapes de leur cycle jusqu’au feu de broussailles qui en délivrerait la vivante formule en une fleur de feu, plus brève encore et mieux évanouie ;

planté vif dans le cycle des naissances et des morts, j’aurais pu n’être que l’herbe odorante qui exhale au matin sa senteur immédiate, ou la graminée folle qui sème au premier vent venu le gage de son propre retour ; le buisson familier, au feuillage propice, au rameau secourable, à l’épine salutaire, ou le bambou au coeur épris de vacuité, dont la fleur ne viendra qu’une fois ;

j’aurais pu choisir la simple perfection des pétales, l’évidence instantanée d’un arôme apaisant, l’oubli de soi dans la foule du pré, la claire chanson des roselières, la présence discrète au fourré…

j’ai choisi l’arbre de dix mille années dont on fait les statues des bodhisattvas!

(Extrait de : Jataka de l’arbre, Images d’Yvoires, 2002).

Commentaires

“Le plus discret de nos poètes majeurs”. Jacques De Decker

“À tout poème, son début et une fin – ouverte. À tout poète, son élan jusqu’au point de rupture, qui laisse apparaître le lecteur. Le poème condense les splendeurs et la métaphysique du monde, le poète témoigne d’un impossible achèvement, pour l’homme comme pour l’oeuvre. De même qu’il s’agit d’éprouver le temps qui nous traverse, que le miroir inverse et que les fleuves passent en deux sens, il faut accepter la séparation pour célébrer la rencontre, tourner le dos pour s’exposer encore et envisager le voyage pour que grandisse le cheminement. Avec Couper ici, Daniel De Bruycker inaugure une réconciliation entre l’horizon et ses labyrinthes”. Jack Keguenne