DAINE Véronique

Biographie

Véronique Daine est née à Arlon en 1964.
Elle a suivi des études de philologie romane à l’Université de Liège et enseigne à l’ Athénée Royal d’Arlon.
Elle anime également des ateliers d’écriture en milieu scolaire et culturel.

En 2017, elle reçoit le prix “Marcel Thiry” pour son recueil Extraction de la peur (L’Herbe qui tremble). Ce prix de la ville de Liège récompense, en alternance, une oeuvre poétique et une oeuvre de fiction en prose.

Véronique Daine vit à Muno, petit village de Gaume.

 

Bibliographie

  • Infirme est le nom,  L’Arbre à Paroles, 2003. (Buisson Ardent).
  • On parlera dans le vide, L’Arbre à Paroles, 2004. (Buisson Ardent)
  • Glaires, L’Arbre à Paroles, 2005.
  • Fin des révoltes et commencement des lettres,  L’Arbre à Paroles, 2006.
  • R.B., L’herbe qui tremble,  2010.
  • La division des choses, Le Taillis Pré, 2010. 71 p. Prix Robert Goffin en mai 2010.

Textes

Extraits de Glaires

hébétés de lumière
nous n’avons rien su du gel

on ne quitte pas ceux que personne ne réclame
ce sont eux qui nous quittent
un matin

jouets en tas partout cheveux
monceaux de voix sans parole

visage en cendre qui nous fonde

nous errons
en quête d’un visage
à offrir à la douleur

l’enfance est jonchée
de cadavres
jetés à la hâte

ils tombent maintenant
par pans entier

il ne nous reviendra
que ceux-là
lisses
intacts

on en fera des icônes
pour que quelque chose
un instant
reste dans nos mains

que votre visage demeure
celui qui manque

nous n’aurons que les mots
pour vous toucher

tard on parlera nu
de cette nudité des corps
retirés des gravats

et c’est le commencement
d’aimer
dit-on

toute cette nudité alors
toute cette nudité que nous sommes
dans le regard de l’autre

la nudité
elle n’est pas le lieu tardif
elle est ce qui commence

on écrit les yeux baissés
pour ne rien connaître
de cette nudité

et on jette des petits cadavres contre les murs
pour les punir d’être nus

pour nous punir

fosses d’enfants
nos généalogies

l’arrachement
ne finira pas

on a commencé de mourir
au commencement d’aimer

ce qui nous fonde nous achève

au ventre désormais
la faim des visages
que personne ne réclame

ceux-là les perdants
ils font de nous
les perdus d’avance

on est de la fratrie
des petits cadavres
on a dans la gorge
la bouillie de leur cri

ici au parloir
on se coupe les lèvres
sur la vitre
qui sépare les corps

Commentaires

Extrait de l’article de presse paru le 11 août 2010 dans le quotidien Le Soir suite à la remise du ¨Prix Robert Goffin pour La division des choses:

Le nouveau président de l’ASBL Nausicaa, Jean-Luc Wauthier,  précise : « La poésie de cette jeune femme n’exprime pas la joie de vivre, mais se trame et se dessine sur les murs de la caverne obscure et secrète de la difficulté d’être. Avec elle, on est cependant loin de l’hermétisme minimaliste. On plonge au cœur même d’une écriture incandescente, où s’unissent la physique et la métaphysique. Ce qui imprègne le poète, c’est la division, la déchirure, cette attente vaine où serait tapi ce qu’elle appelle “tout le vivre”. Et si, le recueil avançant, la lumière et le rose qui le symbolise, timidement d’abord, puis de manière de plus en plus affinée, venait affirmer que, tout de même, rien n’est perdu ? Car, affirme-t-elle, “ce qu’on cherche est le peu de lumière de la lumière”. »

Quatrième  de  couverture du recueil La division des choses:

Véronique Daine nous fait comprendre que le “style est une cicatrice mal fermée” (François Jacqumin). Il y a chez elle la volonté de laisser faire, de rester dans l’ignorance pour préserver ce quit vient. Le paradoxe – dire sans rien dire – est présent à même la phrase et se manifeste dans la syntaxe. J’aime ce phrasé fait d’emmêlements et d’avancées à rebours, cette poésie de l’errance. C’est le surgissement, et même le surgissement du surgissement, qui la fait écrire. À l’évidence, écrire comme cela, c’est désirer s’approcher avec précaution de ce qui est à la racine. Ainsi, cette poésie de l’aube, de l’aube qui vient, cette attente, cette expérience de la lumière et de la nuit, me rappellent ce que dit le peintre Zoran Music du passage d’un extérieur extrêmement lumineux à un intérieur très sombre (émotion qui est à l’origine d’une série de tableaux sur les intérieurs de cathédrales): “je m’assayais dans le noir en attendant de voir  peu à peu des lumières douces. C’est très beau de trouver la lumière dans le noir”.

Les textes de Véronique Daine sont une tentative de répondre à une impossibilité originelle. (…) Une parole, d’une précarité effrayante. Elle se débat dans le vide, l’affronte de face. D’où une sorte de fermeté du désastre. La solitude expiée à chaque instant. L’insoutenable, sans aucun doute. Et la contraire certitude que la nuit engloutira les tréteaux et les acteurs d’inexistence.

Tristan SAUTIER

(Revue Sources, 2006).