CRICKILLON Jacques

Biographie

A publié également sous le nom de Frank Paradis -Né en 1940 à Bruxelles -Enfance solitaire -Etude d’instituteur -Licence en philosophie et lettres de l’Université Libre de Bruxelles -Existence aventureuse au Moyen-Orient, en Afrique centrale, en Asie du Sud-Est -Apparition de Ferry, la compagne de vie et l’initiatrice de l’œuvre -Premier livre, La Défendue, 1968 -Professeur de Lettres dans le secondaire -Professeur d’histoire de la littérature au Conservatoire royal de Bruxelles -Professeur d’histoire de la littérature américaine pour les bibliothécaires de Belgique -Membre du jury Rossel -Membre de l’Académie royale de langue et de littérature française de Belgique. Jacques Crickillon est décédé le 11 février 2021.

Bibliographie

Poésie

  • La Défendue, André De Rache, Bruxelles, 1968.
  • L’Ombre du Prince, André De Rache, Bruxelles, 1971.
  • La Barrière blanche, André De Rache, Bruxelles, 1974.
  • La Guerre sainte, André De Rache, Bruxelles, 1975.
  • A Visage fermé, André De Rache, Bruxelles, 1976.
  • Régions insoumises, Vérités, Amay, 1978.
  • Région interdite, avec 11 collages de Ferry C., Cyclope, Bruxelles, 1978.
  • Approche de Tao, in La Boîte à poèmes : Jacques Crickillon, Vérités, Amay, 1979.
  • Colonie de la Mémoire, La Renaissance du Livre, Bruxelles, 1979.
  • Nuit la Neige, avec 11 collages de Ferry C., Vérités, Amay, 1981.
  • Retour à Tawani, Belfond, Paris, 1983.
  • L’Indien de la Gare du Nord, Belfond, Paris, 1985. Réed. Avec une préface de Jacques De Decker et une lecture d’Eric Brogniet. L’Âge d’Homme, Lausanne, 2000.
  • Grand Paradis, l’Âge d’Homme, Lausanne, 1988.
  • Léthamorphos (XIII), L’ Arbre àç Paroles, Coll. Le Buisson Ardent, Amay, 1990.
  • Sphère, l’Âge d’Homme, Lausanne, 1991.
  • Neuf Royaumes, L’Arbre à paroles, Amay, 1991.
  • Vide et Voyageur, l’Âge d’Homme, Lausanne, 1993.
  • Ténébrées, L’Arbre à paroles, Amay, 1993.
  • Ode à Lorna Lherne, l’Arbre à paroles, Amay, 1994.
  • Elégies d’Evolène, l’Âge d’Homme, Lausanne, 1995.
  • Taliman, l’Arbre à paroles, Amay, 1995.
  • Ballade de Lorna de l’Our, l’Arbre à paroles, Amay, 1996.
  • L’Astrolabe, Maelström, Edifice, Bruxelles, 1997.
  • Au Bord des Fonderies mortes, l’Âge d’Homme, Lausanne, 1998.
  • La Chanson de Nana Sumatra, l’Âge d’Homme, Lausanne, 2001.
  • Cercle Afanema (La Défendue, L’Ombre du Prince, La Barrière blanche, La Guerre sainte, A Visage fermé), avec une préface de Jacques De Decker, Le Taillis Pré, Châtelineau, 2001.
  • A Kénalon I, Le Taillis Pré, 2004.
  • A Kénalon II, Le Taillis Pré, 2005.
  • Le bois de pluie, Le Taillis Pré, 2006.
  • Ultima Coda, L’Arbre à Parole, 2009, livre d’artiste, fac-similés des poèmes manuscrits, accompagnés d’oeuvres visuelles en couleur du poète
  • Le Bois de Cendre, Châtelineau : Le Taillis Pré, 2009.
  • Litanies, Châtelineau: Le Taillis Pré, 2017.

Récits et romans

  • Cinq Récits, in Bruxelles à mur ouvert, photographies de Michel Huisman, Vokaer, Bruxelles, 1980.
  • Supra-Conorada, La Renaissance du Livre, Bruxelles, 1980. Réédition : Bruxelles : Editions Groupe Luc Pire, 2009. Coll. Espace Nord. Avec un Avant-propos de Jacques Cels et une Lecture critique d’Eric Brogniet.
  • Parcours 109, La Renaissance du Livre, Bruxelles, 1983.
  • La Nuit du Seigneur, Paul Legrain, Bruxelles, 1984.
  • Le Tueur birman, roman, Belfond, Paris, 1987.
  • Babylone Demain, suivi de Le Tueur birman, Parcours 109 et Supra-Coronada, La Renaissance du Livre, coll. Les Maîtres de l’Imaginaire, Bruxelles, 2001.

Théâtre et dramatiques radiophoniques

  • Sommeil blanc, RTBF, 1980.
  • Le Cobra noir, RTBF, 1981.
  • La Ronde du Chevalier, RTBF, 1982.
  • Le Cri de Tarzan, Radio Suisse Romande, 1984.
  • Avec Ramsès, théâtre, L’Atelier Sainte-Anne, 1984.

Essais, conférences

  • L’œuvre romanesque d’Albert Ayguesparse, André De Rache, Bruxelles, 1970.
  • André Miguel, Subervie, 1977.
  • Raymond Chasle l’Ile-Etoile, Vérités, Amay, 1978.
  • Oberland, Montagne romantique, suivi d’Engadine, Montagne symboliste, préface de Christophe Van Rossom, La Rennaissance du Livre, Bruxelles, 2000.

Œuvres publiées sous le nom de Frank Paradis

  • Les Oreilles-Coquillages, Pré aux Sources, Bruxelles, 1991.
  • Enfant avec cravate et peinture de guerre, roman, Pré aux Sources, Bruxelles, 1992.
  • Contes de plume et de papier, Pré aux Sources, Bruxelles, 1993.

Auteur de nombreux textes de création et de réflexion inédits. A consulter :

  •  Christophe Van Rossom dans son ouvrage Jacques Crickillon : La Vision et le souffle, Ed. Luce Wilquin, Avin, 2003.

 

Textes

Extrait de Le Bois de Pluie (à paraître au Taillis-Pré)   J’administre mes dieux avec la ferme tendresse du maître des beaux chevaux. Que leur dire ? Ils sont. Nous serons. A la mort un jour dans le cercle de leurs renâclements de mort, dans le piétinement de leur patience impatiente qui est l’emblème de l’amour. Nous serons, au très haut perdu des montagnes, le corral lamenté de bêtes, d’enfants, de paroles lointaines peut-être, de notre mort. Et voici, j’administre en moi les derniers paroissiens. Vite fait. Bâton de pèlerin, et : en route. Savoir ce qu’on perd à ne vouloir perdre tout. Savoir ce qu’on gagne de vie – vocabulaire à ne garder à l’âme qu’un seul mot : Lorna.   L’arbre cybernaute steampunk issu de ma chaotique prophétique inspiration – loué soit Ishtar – tourne autour de la petite maison blanche. Invitation au voyage ? Répétition de ton prochain voyage ? L’arbre tourne, ses oiseaux aussi. Prends et berce, Trou noir, au corps et âme de la Toute Indispensable. Cendre et volonté. Virage sec. Le vent d’outre – monde, qu’il te translucide les paupières. Le sac de l’outre – monde, qu’il t’immerge alors au paysage achevé de cet amour inachevable. Pense à vous Lorna. Respire de vous, Lorna. Il est cinq heures de la nuit infinie sous la nuit                                                                *****          Extraits de Le Bois de Cendre
Une lecture de nos frères inconnus nous abreuve comme la pluie le désert. Bien plus tard, il demeure une nappe souterraine qui tout apaise ou presque                                                                  *****   Ecrire pour être lu relèverait d’un art de la guerre, avec ses fiers stratèges et ses petits voyous. Ecrire pour l’être qui est, qui ne lit pas, qui écrit à la distance du vertige le graphe de ta vie dans toute vie.                                                                *****   Fureur candeur ça te scanne restent les os et la sous-âme au cœur du bain de soufre qui décide ? qui souffle les fausses réponses ? qui murmure les questions pièges ? au cours et cours petit évadé perdu ton film se dévide et tu sombres mais tout ici se gagne trouver le bon trou où se faire un trou dans la tête armature de force rien ne sert mais la voile sidérale sa spirale d’étoiles au néant décoller dévaster fibre que l’onde bouleverse et recrée iradium sage que c’est fou nous irons à Kénalon mon corps suivant ton corps dans l’infini des basses ignorances surgi voilà texte folie sur l’écran de nuit face à face écran transpercé et au-delà juste dimension injustifiable une ombre vénérée qui habitait d’antiques façades cracher au canal la fausseté d’un destin dont le sûr soleil était ailleurs calme luxe nu misère haute le vent lève sur la prairie de pierres d’étranges lucioles qui sont ton visage ô tant aimé ô guerrière au jardin clos Lorna nous voyez-vous ? comment finir si le cercle ne s’accomplit ? voici l’Iradouine et sa chanson de passerelle sur les mondes comment naître si le cercle ne s’écrit ? mon corps suivant ton corps dans l’écran de la nuit l’Iradouine dans la forêt des ondes.                                                                *****                          vous encense compagne de prairie comme font les chevaux libres sur notre passage                        les mots parlent ne disent pas arbre bruissement d’arbre sous le vent d’ici le vent de tous les ailleurs l’herbe et l’escargot et le bousier terré ça frémit ça correspond une branche casse le bois de pluie et se redresse et fortifie                        vous encense compagne de prairie nous allions aux châtaignes emblèmes d’enfance le cœur m’a manqué d’un poème là soudain qui serait tout près de votre vérité que nul ne sait ni ce pauvre encore sur le chemin des bâtons morts                        vous alliez aux parfums aux fraîcheurs aux trouvailles puériles qui tant aimantent comme ces fleurs d’automne qui se penchent et le chevreuil il est là on ne le voit pas la chevrette est sous le toit et le faucon et l’épervière ils sont là on ne les voit pas et la perdrix affolée elle détalle vous alliez vous émerveillant de donner aux humbles choses votre joie                        nous allions allions il y eut un chemin de fer où nul train ne passait plus une boulangerie où nous achetâmes  des rouleaux à la confiture un sentier dans les bois au long d’une rivière étroite piquée de colverts et de ces libellules d’antan et nous sommes rentrés les enfants riaient jouaient pleuraient du plein de vivre le feu dans l’âtre déjà l’ombre on a parlé de Nietzsche et de ce qu’on ferait demain et des rhumatismes que c’est bon pour les vieux                        vous vénère compagne de prairie de nuit au pain béni vous encense demain et à demain des lendemains d’éternel comme le cheval de guerre sainte à la lucarne de l’écurie                                                                      *****

Commentaires

A propos de Le Bois de Cendre de Jacques Crickillon

Ceci n’est pas un livre, un poème, une narration. C’est un couteau sanglant, c’est un portrait sans fard du poète en temps de détresse. C’est la haute figure esseulée du Roi Méhaigné dont la plaie ne cesse de saigner le mal du monde – et qui continue cependant de pêcher. C’est l’inouï courage de l’improbable.
C’est un évangile. Le livre saint qui, dans la solitude du chevalier errant, combat le dragon du malsain. C’est le grand livre de toutes les impostures dénoncées. C’est un coup de Glaive porté magistral dans le goître de l’indécence contemporaine. C’est un pas de côté salulbre de plus. C’est la défaite des imbéciles – et une grande victoire pour la Résistance.

Christophe VAN ROSSOM

Ultima coda , Jacques CRICKILLON, L’Arbre à paroles.

On paie cher d’être immortel, écrit Nietzsche dans Ecce Homo : pour cela il faut mourir plusieurs fois de son vivant.
Contrairement à ce que son éditeur avance, Ultima coda n’est pas le dernier livre du poète Kénalon, pas davantage que ne l’était le somptueux Phase terminale, ouvrage d’artiste copublié sous coffret par lAcadémie et les éditions du Taillis-Pré.
Ce qui est exact en revanche, c’est que, l’époque médiocre avançant vers un désastre que Crickillon n’a cessé de dénocer avec une vigueur sans pareille depuis des décénies, chaque livre de poésie offert au monde est une épreuve terrible. Pire : une forme d’ordalie athée. Il est la traversée d’un feu froid : celui d’une indifférence généralisée aux notions autrefois sacrées de souci d’élévation et de beauté. De souci d’art.

extrait de Crickillon reloaded par Christophe VAN ROSSOM dans Le Mensuel littéraire et poétique, n° 364.

Descendant de Lautréamont et de Rimbaud, Jacques Crickillon a encore parmi ses ancêtres, spirituels, Samuel Beckett. [ A propos du Tueur birman ] On pénètre facilement dans ce monde sans pardon. Il suffit de constater que jacques Crickillon est tributaire de l’existensialisme le plus parosystique. Son héros antihéros est le lointain descendant du Roquentin de Sartre, dans La Nausée, mais il ne saurait, comme lui, se contenter d’une vie indifférente : il lui faut aller jusqu’au bout de la souffrance et du châtiment.                                                                                                             Alain Bosquet     […] la valeur […] de cette œuvre réside sans cesse dans le témoignage d’une conscience aux prises avec elle-même, avec le daïmon qui l’habite, et […] cette inscription dans le vécu, perceptible à travers la figure d’une mythologie personnelle récurrente […] interdit toute dé-personnalisation du discours, et donc toute déperdition d’énergie, discours qui oscille du témoignage individuel à l’expérience cosmique, par le biais de l’aventure relationnelle. La géographie propre au poète, au-delà des caractères anecdotiques et des lieux reconnaissables, qu’ils soient d’orient ou des quartiers crapuleux d’une grande métropole occidentale, qu’ils nomment les îles, la jungle, la forêt vierge ou la montagne est une géographie sacrée placée sous le signe de l’Amour et de la Haine, dont le perpétuel affrontement, comme chez Empédocle d’Agrigente, crée le monde, dont le choc continuel donne sa pulsation profonde au poème.   Dans Au bord des Fonderies Mortes, Jacques Crickillon, tel que le firent Goya et Munch en peinture, à des siècles de distance, peint la romance d’une descente aux enfers, et cette romance n’est pas la romance populaire dévoyée que nous connaissons, mais s’approcherait plutôt de l’esprit du romancero espagnol : chant de mort et d’amour, mise en voix de la grande dramaturge éternelle.                                                                                                                               Eric Brogniet     [ A propos de l’Indien de la Gare du Nord ] voilà un livre de pugiliste. Tout les coups portent, parce qu’ils sont longuement mûris, sous leur apparence d’impulsion brutale. Peu de lecteurs ont vu, lors de sa parution, ce que ce livre pouvait avoir de prophétique.                                                                  Jacques De Decker