A propos de Le Bois de Cendre de Jacques Crickillon
Ceci n’est pas un livre, un poème, une narration. C’est un couteau sanglant, c’est un portrait sans fard du poète en temps de détresse. C’est la haute figure esseulée du Roi Méhaigné dont la plaie ne cesse de saigner le mal du monde – et qui continue cependant de pêcher. C’est l’inouï courage de l’improbable.
C’est un évangile. Le livre saint qui, dans la solitude du chevalier errant, combat le dragon du malsain. C’est le grand livre de toutes les impostures dénoncées. C’est un coup de Glaive porté magistral dans le goître de l’indécence contemporaine. C’est un pas de côté salulbre de plus. C’est la défaite des imbéciles – et une grande victoire pour la Résistance.
Christophe VAN ROSSOM
Ultima coda , Jacques CRICKILLON, L’Arbre à paroles.
On paie cher d’être immortel, écrit Nietzsche dans Ecce Homo : pour cela il faut mourir plusieurs fois de son vivant.
Contrairement à ce que son éditeur avance, Ultima coda n’est pas le dernier livre du poète Kénalon, pas davantage que ne l’était le somptueux Phase terminale, ouvrage d’artiste copublié sous coffret par lAcadémie et les éditions du Taillis-Pré.
Ce qui est exact en revanche, c’est que, l’époque médiocre avançant vers un désastre que Crickillon n’a cessé de dénocer avec une vigueur sans pareille depuis des décénies, chaque livre de poésie offert au monde est une épreuve terrible. Pire : une forme d’ordalie athée. Il est la traversée d’un feu froid : celui d’une indifférence généralisée aux notions autrefois sacrées de souci d’élévation et de beauté. De souci d’art.
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extrait de Crickillon reloaded par Christophe VAN ROSSOM dans Le Mensuel littéraire et poétique, n° 364.
Descendant de Lautréamont et de Rimbaud, Jacques Crickillon a encore parmi ses ancêtres, spirituels, Samuel Beckett. [ A propos du Tueur birman ] On pénètre facilement dans ce monde sans pardon. Il suffit de constater que jacques Crickillon est tributaire de l’existensialisme le plus parosystique. Son héros antihéros est le lointain descendant du Roquentin de Sartre, dans La Nausée, mais il ne saurait, comme lui, se contenter d’une vie indifférente : il lui faut aller jusqu’au bout de la souffrance et du châtiment. Alain Bosquet […] la valeur […] de cette œuvre réside sans cesse dans le témoignage d’une conscience aux prises avec elle-même, avec le daïmon qui l’habite, et […] cette inscription dans le vécu, perceptible à travers la figure d’une mythologie personnelle récurrente […] interdit toute dé-personnalisation du discours, et donc toute déperdition d’énergie, discours qui oscille du témoignage individuel à l’expérience cosmique, par le biais de l’aventure relationnelle. La géographie propre au poète, au-delà des caractères anecdotiques et des lieux reconnaissables, qu’ils soient d’orient ou des quartiers crapuleux d’une grande métropole occidentale, qu’ils nomment les îles, la jungle, la forêt vierge ou la montagne est une géographie sacrée placée sous le signe de l’Amour et de la Haine, dont le perpétuel affrontement, comme chez Empédocle d’Agrigente, crée le monde, dont le choc continuel donne sa pulsation profonde au poème. Dans Au bord des Fonderies Mortes, Jacques Crickillon, tel que le firent Goya et Munch en peinture, à des siècles de distance, peint la romance d’une descente aux enfers, et cette romance n’est pas la romance populaire dévoyée que nous connaissons, mais s’approcherait plutôt de l’esprit du romancero espagnol : chant de mort et d’amour, mise en voix de la grande dramaturge éternelle. Eric Brogniet [ A propos de l’Indien de la Gare du Nord ] voilà un livre de pugiliste. Tout les coups portent, parce qu’ils sont longuement mûris, sous leur apparence d’impulsion brutale. Peu de lecteurs ont vu, lors de sa parution, ce que ce livre pouvait avoir de prophétique. Jacques De Decker